lundi 4 juin 2012

C’est le coût du travail, stupid !

Diminuer les taxes... pas les salaires !
Patrick Pelata, le conseiller de Carlos Ghosn et ex DG de Renault, donnait vendredi dernier une intéressante présentation dans le cadre de l’Ecole de Paris du Management associée pour le coup à La Fabrique de L’Industrie.

Il a énuméré, dans et hors industrie automobile, toutes les raisons qui font que l’industrie allemande est performante et celle de la France… dans les choux.

Conclusion de ce bel exposé : elle rejoint celle déjà faite par Louis Gallois, le président de La Fabrique. En fait, si l’on veut  redresser rapidement la compétitivité de l’industrie française il n’y a qu’un et un seul paramètre sur lequel on peut jouer : la diminution du coût du travail. Toutes les autres mesures qui peuvent être utiles ne sont pas à dédaigner, mais n’auront aucun impact rapide. Point barre.

Remarque : Patrick Pelata s’étonne que cette évidence ne saute pas aux yeux de tous. Que certains s’y opposent. Il ne comprend pas qu’on ne comprenne pas. Personnellement, j’ai ma petite idée là-dessus, que je lui soumets volontiers. Chaque fois que je mentionne cette idée de « baisse du coût du travail », immanquablement mon interlocuteur comprend « baisse des salaires ». Il me répond alors : « ce ne sont pas les salaires trop élevés qui pénalisent la France ; la preuve, les salaires allemands sont au niveau des français… » Comment espérer susciter une vaste adhésion à cette cause dans ces conditions?

Il y a donc beaucoup de pédagogie à faire – à moins de changer le vocabulaire - si on veut faire passer cette idée. Rappelons donc une fois de plus, ça ne mange pas de pain, que :
- baisser les coûts du travail à pour objet de restaurer la compétitivité via l’augmentation des marges des entreprises françaises. Elles sont dramatiquement faibles et ne leur permettent notamment pas d’investir dans la nécessaire montée en gamme. Montée en gamme qui fait justement que les allemands peuvent supporter des salaires (et un coût du travail) élevés...
- baisser les coûts du travail consiste non à baisser les salaires, mais à transférer une partie des charges sociales sur la TVA, la CSG ou un cocktail des deux. L’idée est de soulager les entreprises et de créer ainsi un « choc de compétitivité » qui leur permettra d’investir (il faut donc aussi accompagner le processus d’une mesure qui imposera aux entreprises d’investir les économies ainsi réalisées). L’impact sur le pouvoir d’achat n’est pas nul mais reste très limité.

Ce point de vue est partagé évidemment du côté du patronat (Louis Gallois, par exemple) mais aussi des économistes comme Patrick Artus, voire d'un syndicat comme la CFDT. Dominique Gillier, secrétaire général de la fédération métallurgie de le CFDT  reconnaît ainsi que  « notre système de financement de la protection sociale pénalise les entreprises » et ne s'oppose pas à l'idée du fameux choc de compétitivité.

Patrick Pelata ajoute un autre argument : « augmenter ainsi la TVA ou la CSG, revient d’une certaine façon à provoquer le même effet que celui d’une dévaluation, ce que notre participation à l’euro nous interdit. »

Pour convaincre les plus réticents de la justesse de ce point de vue, il dispose d’un argument choc. Il montre l’ensemble des taxes auxquelles sont soumises les entreprises européennes : taxe sur les profits, taxes sociales, autres taxes. Le tableau est parlant. Les taxes sociales sur le travail sont en France les plus élevées d’Europe, et de très loin. Incontestable.

Dans ce tableau, un pays mérite une attention toute particulière : le Danemark. Il a réduit le poids des taxes sociales à la portion congrue (mais en relevant significativement celles sur les profits). Résultat, pour le même salaire net, en incluant les charges sociales, le coût pour l’entreprise est multiplié par un facteur 1,15 au Danemark. Par un facteur 2 en France ! No comment.

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2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je me permets de vous poser une question:

    Le problème d'une baisse du coût du travail provoquée par le transfert des charges sociales sur la TVA/CSG est difficilement acceptable au niveau social en cela que:
    - l'ensemble des entreprises en profiteraient (sans connotation péjorative) alors même que cette mesure de baisse du coût du travail ne devrait profiter qu'aux entreprises exposées à la compétition mondiale.
    Ainsi les sociétés de services (à la personne, mais aussi les autres où la production se fait dans la consommation) ou les sociétés qui sont dans le BTP, dans le commerce, etc bénéficieraient de la réforme, alors que le problème du coût du travail n'est pas directement menaçant pour eux.
    De l'autre côté, une augmentation de la TVA/CSG touche tout le monde, et notamment la consommation des plus modestes (qui ont une proportion à consommer plus importantes que les gens plus aisés).

    Je me permets donc de poser cette question: comment pourrions nous baisser le coût du travail dans les secteurs exposés (afin de restaurer leur marge puis leur compétitivité hors coût et en aucun cas pour améliorer leur compétitivité prix qui est de toute manière mauvaise vis à vis de la Chine/Asie) tout en ne ralentissant pas la consommation?

    Le transfert charges sociales/TVA me semble un peu brutal, tout en sachant qu'il serait impossible de déterminer au cas par cas quelle entreprise est ou n'est pas exposée à la compétition.

    Les réductions de charges sociales sur les bas salaires des années 90 ont permis de créer/sauvegarder des emplois pour les non qualifiés (environ 300 000).

    Est il possible d'envisager d'autres réductions de charges sociales sur les salaires de l'industrie, avec les effets d'aubaines et les pertes de revenues publiques que cela implique.

    Merci de me donner votre avis avisé sur tout cela,

    Cordialement,

    Antoine.

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  2. merci de votre commentaire. Vous soulevez des questions intéressantes auxquelles... je préfère ne pas répondre car je crains alors d'outrepasser mes compétences ! La mise en oeuvre d'une telle politique est évidemment d'une grande complexité, ne serait-ce que pour assurer que les économies réalisées seront effectivement investies. Seule chose que je peux faire est constater que l'augmentation de la TVA réalisée en Allemagne a effectivement favorisé l'investissement (la moitié des économies réalisées ont été consacrées à l'investissement dans l'industrie). En tout cas je vais regarder cela de près et si j'ai des réponses solides, j'en ferai part sur la blog.

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