mardi 17 décembre 2013

Google à la pointe des technos robotiques avec le rachat de Boston Dynamics

Boston Dynamics : des supers technos financées
par la Darpa
Ça va très vite. Le 5 décembre je parlais sur ce blog des ambitions de Google dans la robotique, de ses rachats d’entreprises du secteur – sept au total depuis six mois - et du fait que ce n’était pas terminé.

Eh bien, ça se confirme. On peut lire aujourd’hui un peu partout une info choc :  Google vient de racheter une huitième entreprise et vraiment pas n’importe laquelle : Boston Dynamics fabricant de robots militaires hyper sophistiqués et financé notamment par la Défense américaine (la Darpa).

Comme on peut lire cette info à droite et à gauche je ne m’appesantis pas. Simplement, je vous conseille vraiment d’aller voir ces étonnants robots sur le site de Boston Dynamics. Vous pourrez y constater à quel point Google se dote de technologies de pointe ce qui est clairement l'unique motivation de cette acquisition et  en dit long sur ambitions en matière de robotique.

 Et, pour le contexte, je vous invite à lire le post du 5 décembre qui raconte les motivations de Google.

C'est tout pour aujourd'hui !

lundi 16 décembre 2013

Comment Air Liquide résout l’équation de l’innovation

Le fablab de l'i-Lab. Belle devise !
Inspiré par les travaux d’Armand Hatchuel, Pascal Le Masson et Benoît Weil enseignants-chercheurs de Mines Paris Tech, je notais dans le livre que j’ai consacré à l’innovation (« La vraie nature de l’innovation » voir ci contre) que « le classique modèle de R&D n’est pas adapté à l’innovation. » Ces chercheurs proposaient un autre modèle la « RID », avec un I pour « innovation » plus à même de favoriser le développement d’idées nouvelles.

Aujourd’hui, le groupe Air Liquide semble avoir fait sien ce point de vue en dévoilant sa nouvelle structure précisément dédiée à mettre le I d’innovation au cœur des développements du groupe. Il n’est pas le premier à le faire, mais sa démarche est instructive.

La structure s’appelle « i-Lab ». Elle est implantée au cœur de Paris – c’est-à-dire un peu à l’écart de la R&D du groupe, pour avoir sa vie propre -  et compte une quinzaine de personnes. La séparation d’avec les équipes de R&D n’est toutefois pas totale puisque l’i-Lab, dirigé par Grégory Olocco, est placé sous l’autorité d’Olivier Delabroy qui est… le responsable R&D de l’entreprise.

Cette structure pluridisciplinaire, avec ses ingénieurs, ses designers mais aussi des spécialistes des sciences humaines, a pour vocation d’explorer des idées nouvelles, de développer très vite des prototypes (notamment via son fab lab intégré) et d’expérimenter en vraie grandeur les fruits de ses travaux auprès d’utilisateurs. La « preuve de concept » est son ambition. Si elle est faite l’iLab passera ensuite la main à la R&D « traditionnelle ».

«  Nous sommes chargés d’identifier et de cartographier de nouvelles opportunités de croissance pour le Groupe. Nous  contribuons à décrypter les tendances, telles que la globalisation de l’industrie et les contraintes de ressources, les évolutions démographiques et de la consommation, l’urbanisation, les nouvelles technologies, pour mieux comprendre leur impact sur les usages des consommateurs » précise Grégory Olocco.

Autrement dit, il s’agit d’explorer tous les domaines « où le groupe a une légitimité » mais d’une façon radicalement différente de celle qui constitue le fonctionnement normal des équipes de R&D. Selon les termes d’Air Liquide, le laboratoire se veut ainsi  à la fois « think tank » et « corporate garage ». 

L’i-Lab travaillera à la fois sur des sujets de court et de long terme et aussi bien pour explorer de nouveaux marchés où le spécialiste des gaz peut se développer que pour mettre au point les technologies de production de ses « usines du futur ».

François Darchis membre du Comex en charge de l’innovation explique : « depuis une décennie pour assurer notre développement nous nous sommes efforcés de nous implanter dans de nouveaux pays, Chine, Moyen-Orient… ; désormais notre défi est de mieux comprendre ces marchés et de préparer l’avenir avec des innovations propres à satisfaire leurs besoins. » L’i-Lab français devrait ainsi être suivi de clones implantés à proximité des centres de R&D américains ou asiatiques du groupe qui compte quelque 6000 personnes en R&D.

 Parallèlement à cette annonce, Air Liquide a également présenté sa structure de capital risque, Aliad, hébergée dans les mêmes locaux et forte de 10 personnes. Elle a « vocation à investir dans des start-ups technologiques pour disposer d’un accès rapide et privilégié aux technologies développées ». Elle y consacrera « une centaine de millions d’euros d’ici à 2017. »

Après un an de fonctionnement Aliad  a déjà investi dans 5 entreprises. Parmi elle, l’australien Hydrexia qui propose des systèmes de stockage solides pour, l’hydrogène, les américains Terrajoule (pour la récupération de chaleur sur les unités de production d’hydrogène) et Plug Power (piles à combustibles pour chariots élévateurs).

lundi 9 décembre 2013

Le spectre de « la fin de l’emploi » resurgit… en version numérique

Et maintenant brisons les ordinateurs !
Il y avait eu le Luddisme, ce mouvement qui dans l’Angleterre du début du XIXè siècle avait vu les artisans s’opposer aux machines et les briser. Depuis, le terme Luddite  désigne, plutôt péjorativement, les ennemis de la technologie et de l’automatisation. Voici maintenant ceux que certains n’hésitent pas à baptiser « néo-Luddites » : issus pourtant du sérail numérique, ils s’inquiètent très sérieusement des conséquences dramatiques de ces technologies sur l’emploi.

Ces idées commencent à avoir un écho certain aux Etats-Unis. Leur fondement est le suivant : avec les fulgurants progrès du numérique, nous sommes désormais entrés dans une phase de formidable explosion de l’automatisation qui ne touche plus seulement l’industrie mais menace désormais quasiment tous les emplois de service et les tâches intellectuelles. L’impact sur l’emploi va être absolument dévastateur !

Cette inquiétude se nourrit en outre de la logique suivante : si les ordinateurs et le logiciel remplacent les humains dans les emplois de service, il n’y a désormais plus d’issue. L’automatisation de l’agriculture, avait conduit les travailleurs vers l’industrie puis celle de l’industrie vers les services. L’automatisation des services sonne donc le glas du travail. Il n’y a en effet plus d’échappatoire. Nowhere to go.

Parmi ceux qui ont conduit à populariser cette idée d’automatisation galopante, deux responsables du  MIT Center for Digital Business, Erik Brynjolfsson et Andrew Mac Afee. Dans le livre Race Against The Machine,  ils décrivent le développement exponentiel de l’automatisation à venir. Ils n’annoncent cependant pas  « la fin du travail », mais une dure période de transition avant que le numérique ne crée une nouvelle abondance. Mais beaucoup se sont emparés de cette idée pour décréter que l’emploi, c’est fini !

Le développement du numérique inquiète également des vrais « geeks ». Témoin Jaron Lanier, visionnaire d’Internet et pionnier américain de la Réalité Virtuelle. Dans son récent livre « Who owns The Future ? » il voit une autre très sérieuse menace dans cette technologie. Il constate -  à juste titre - que l’usage des services gratuits sur Internet s’accompagne du développement d’un « travail gratuit » : toutes les données que les utilisateurs  fournissent volens nolens. Les données de navigation de tout un chacun mais aussi les articles gratuits des blogs, la musique sur You Tube… Ils ne rémunèrent pas leurs auteurs mais, en revanche, enrichissent considérablement les quelques très grandes entreprises, Google et autres Facebook, qui en profitent. Pour lui, à mesure que davantage d’activités seront numérisées - « sofware mediated » dit-il - le phénomène va empirer, jusqu’à… détruire la classe moyenne. Bigre !

Dans ce contexte le think tank américain ITIF (Information technology and innovation foundation) vient de réagir avec une étude qui prend le contrepied des thèses des « néo-Luddites ». Dans ce document, « Are Robots Taking Our Jobs, or Making Them ? », l’ITIF défend vigoureusement la thèse de l’automatisation source de richesses - et donc créatrice d’emploi -, met à mal la notion de « nowhere to go », jugée « absurde », et milite pour un développement sans frein des machines.

Bref, le bon vieux débat sur l’impact de l’automatisation – est–elle  globalement créatrice d’emplois ou l’inverse ? – est désormais bien relancé, en version numérique cette fois.

Cela dit, on se rappellera que si d’un point de vue économique les Luddites avaient tort de s’opposer au développement des machines, en réalité ces mêmes machines ont bel et bien fait perdre leur travail aux protestaires. Comme quoi l’important dans la « destruction créatrice » schumpétérienne est avant tout d’être du bon côté du manche…

Liens utiles
Lire l’article sur le livre d Erik Brynjolfsson et Andrew Mac Afee « Race Against The Machine » sur le site de La Fabrique de l’Industrie
Lire l’article sur le livre de Jaron Lanier « Who Owns the Future ? » sur le site de La Fabrique de l’Industrie
Lire l’article sur l’étude de l’ITIF « Are Robots Taking Our Jobs, or Making Them ? » sur le site de la Fabrique de l’Industrie
Lire l’étude de l’ITIF « Are Robots Taking Our Jobs, or Making Them ? »

vendredi 6 décembre 2013

Apple, champion du… manufacturing !

Les outils de production font la différence
Si l’on en croit l’intéressant article publié par le site Bloomberg.com, Apple n’est pas tout à fait celui qu’on imagine lorsqu’il est question de fabrication.

Contrairement à la plupart de ses concurrents, l’entreprise ne se contente en effet pas de concevoir un produit et d’en sous-traiter la fabrication sans autre forme de procès. Elle attache une grande importance à l’industrialisation de ses produits, développe en interne les process de fabrication mis en œuvre par ses sous-traitants et les équipe même de systèmes de production très avancés du type de ceux « utilisés dans l’aéronautique ou la défense ».

Cela lui permet de se différencier en tirant des innovations en production un avantage compétitif par rapport aux produits concurrents.

Ce faisant, Apple de l’eau au moulin de ceux – défenseurs de l’industrie – qui affirment que l’une des raisons majeures pour conserver une compétence en fabrication tient justement au fait que sans maîtrise de la production, les capacités d’innovation finissent par s’éroder. C’est bien ce souci qui semble animer Apple qui, sans toutefois produire lui-même, conserve un savoir-faire qu’il transmet à ses sous-traitants sous forme de process et de machines.

L’article de Bloomberg cite de nombreux exemples de cet intérêt pour le manufacturing et indique que l’entreprise est actuellement en train d’accentuer son effort en la matière en multipliant notamment des accords d’exclusivité avec des fabricants de machines.

 Apple a ainsi conclu dernièrement un tel accord avec GT Advanced Technologies, un fabricant d’équipement pour produire le saphir qui recouvre les lentilles de ses smartphones. Elle a monnayé l’exclusivité en échange d’un prépaiement de... 578 millions de dollars !

Selon Bloomberg, Apple devrait investir pas moins de 10,5 milliards de dollars en 2014 dans des outils de production avancés tels que des robots ou des machines-outils.

ALire 
L’article de Bloomberg « Apple’s $10.5B on Robots to Lasers Shores Up Supply Chain »  

jeudi 5 décembre 2013

Google : et maintenant… la robotique !

Cap sur les robots industriels !
C’est beau d’avoir de l’argent plein les poches. Cela permet d’initier de grandes aventures d’innovation pour se préparer à saisir les marchés de demain. Google s’en fait une spécialité. Après diverses explorations technologiques, comme la voiture sans chauffeur, le très riche géant du numérique s’attaque en effet désormais à un marché d'avenir : la robotique.

C’est un article du New-York Times qui dévoile les (grandes) ambitions de l’entreprise californienne. Il présente notamment Andy Rubin, le responsable de cette activité lancée il y a déjà plusieurs mois. Andy Rubin qui a tout pour mener un telle opération : ex ingénieur en robotique, il était jusque-là le responsable de la division Android, le système d’exploitation pour smartphones de Google qui a eu le succès qu’on connaît.

Ce n’est pas, comme on pourrait l’imaginer, du côté grand public que Google porte son effort de développement de robots mais clairement dans le domaine des applications industrielles, typiquement celles d’assemblage (pour les produits électroniques par exemple) ou celles de logistique (automatisation de la préparation de commande dans les entrepôts, par exemple).

Cet engagement de Google dans la robotique industrielle est très significatif. Il peut amener à s’interroger sur les choix faits en France dans le soutien à la filière robotique qui, s’ils n’excluent pas les applications industrielles, sont en revanche nettement orientés vers les applications de robotique de service, voire de robotique domestique.

En tout cas, depuis les quelque six mois qu’il est à la tête de cette activité, Andy Rubin n’a pas chômé. Il a déjà acquis pas moins de sept entreprises spécialisées dans les robots, leurs composants ou l’intelligence artificielle. Des acquisitions technologiques qui lui fournissent de quoi construire des robots mobiles intelligents. « Il reste encore de nombreux défis technologiques à relever, dans le domaine des capteurs et du logiciel » dit Rubin qui indique par ailleurs que la campagne d’acquisition n’est pas encore achevée.  

A voir cette ambition, je ne peux m’empêcher de me poser une fois de plus la sempiternelle question : comment donc peut-on rester en France totalement absent d’une robotique industrielle qui se réinvente ? Cela alors que de nouveaux venus sortis de nulle part témoignent qu’il est possible de s’y faire une place. Je pense en particulier à Universal Robots, une PMI danoise créée en 2005 et qui semble bien partie pour réussir sur le marché des robots à bas prix ou à l’américain Rethink Robotics créée en 2008. Et demain, Google ?

A lire
L’article du New-York Times  : Google Puts Money on Robots, Using the Man Behind Android


mercredi 4 décembre 2013

Jusqu’où l’innovation va se nicher : dans une rondelle !

Avec moi, plus de desserrage !
Ce n’est évidemment pas une innovation de rupture propre à figurer au palmarès des « sept ambitions » proposées par la Commission de l’Innovation d’Anne Lauvergeon, mais je trouve que c’est une petite aventure industrielle fort sympathique.

L’innovation en question c’est… une rondelle ! Qui eût cru que l’on puisse encore trouver quelque chose de nouveau à mettre au point sur un produit aussi banal ? Et pourtant, un employé de la société Nord-Lock, spécialiste des assemblages vissés, a eu une idée originale propre à améliorer significativement ce très simple composant de façon à sécuriser totalement l’assemblage par boulons. Comprendre, pour éviter grâce à cette rondelle magique, qu’il ne se dévisse spontanément, sous l’effet de vibrations par exemple.

La solution semble assez simple, mais... il fallait y penser. Elle consiste en quelque sorte à superposer deux rondelles striées. La combinaison de ces stries et de l’effet ressort dû à la superposition évite, paraît-il, tout dévissage intempestif.

Les spécialistes ne s'y sont pas trompés. À peine sortie, la rondelle de serrage Nord-Lock NLX a reçu la médaille d'argent de l'innovation au salon  Fastener Innovation 2013 à Stuttgart puis… le premier prix de l’innovation au salon Nucklea 2013 !

Outre l’objet même de l’innovation, ce qui m’épate dans cette histoire est que la mise au point du produit a été beaucoup moins immédiate qu’on ne l’imagine.  Elle a demandé l’intervention du Cetim (Centre technique des industries mécaniques qui est également un Institut Carnot) qui, à partir de l’idée initiale, a déposé un brevet, puis a effectué un co-développement avec Nord-Lock. Le Cetim a apporté ses connaissances techniques, Nord-Lock son expérience industrielle.

Désolé si vous trouvez cette info trop anecdotique pour mériter un post, mais pour moi elle symbolise l’incroyable effort d’innovation qu'on peut découvrir dans l'industrie, un effort qui va se nicher jusque dans les moindres détails.

C’est tout pour aujourd’hui.