mardi 8 décembre 2009

Fondateurs de start-up : allez en Chine !

Pierre Haren sait vous faire froid dans le dos. Le fondateur de la brillante start-up du logiciel, Ilog, rachetée l'an dernier par IBM, est inquiet de la menace chinoise et, le moins qu'on puisse dire, est qu'il vous fait partager son angoisse.
Pour cela, il vous raconte, entre autres, la petite histoire d'une jeune start-up chinoise qu'il a rencontrée en Chine. « Lorsque j'ai demandé de la documentation à son patron, il m'a dit qu'elle n'existait qu'en chinois » dit Pierre Haren. La logique de la start-up est en effet de croître et prospérer sur son très vaste marché. Une fois une taille respectable obtenue, il estime qu'il sera alors suffisamment fort pour attaquer... le marché américain. Il se donnera alors la peine d'éditer une documentation en anglais.
Voilà de quoi décourager tout français de créer sa propre start-up. Il n'a qu'un petit marché local, un marché européen fragmenté à conquérir pays par pays. Comment peut-il devenir suffisamment gros pour s'attaquer à la terre promise américaine ? Cette situation explique d'ailleurs en partie la croissance très limitée de nos start-up hexagonales. Et, en revanche, celle, fulgurante, des jeunes pousses d'outre-atlantique. Il y a belle lurette qu'elles pratiquent à l'instar de notre patron chinois, s'appuyant sur un grand marché national pour partir à la conquête du rest of the world. Alors, imaginez maintenant ce que cela donne quand le marché intérieur n'est plus celui des Etats-Unis, mais celui de la Chine (ou de l'Inde) !
Bien sûr, on peut se consoler en constatant que, nombre mis à part, le marché chinois est loin d'être aussi solvable que son homologue américain. Mais, quand même...
Si, en plus, vous rapprochez cela des propos du patron de General Electric (voir le post du 11 novembre) qui prône de développer des produits pour les pays émergents dans les pays émergents pour attaquer ensuite les marchés des pays développés, il y a alors vraiment de quoi paniquer. Que nous reste-t-il donc ?
Pierre Haren offre une parade. Il dit : « les fondateurs de start-up ont le réflexe de créer leur entreprise dans leur pays. Cela vaudrait peut être le coup de se demander s'il ne serait pas préférable de la créer en Chine... » Et de justifier cette surprenante proposition par l'exemple israélien. Confrontées à un minuscule marché intérieur, il y a longtemps que les start-up israéliennes ont fait le choix de s'implanter en Californie, ne gardant généralement en Israël que la R&D. Et oui. Il faut faire avec le marché intérieur que l'on a...

Saint-Gobain est-elle une entreprise innovante ?

Didier Roux, directeur de la recherche et de l'innovation du groupe Saint-Gobain, est un brin provocateur. Lorsque que vous l'interrogez sur la tradition d'innovation du groupe verrier, né il y a quand même 350 ans, il lance « Non, Saint-Gobain n'était pas une entreprise innovante. Dans notre métier, le spécialiste de l'innovation était l'américain Corning. »
Passé un bref instant de stupeur, si l'on essaie de décrypter son propos iconoclaste, quelques intéressants points de vue en émergent.
En réalité Didier Roux joue sur le mot innovation. Quand il affirme que dans le passé Saint-Gobain n'était pas un innovateur, il veut juste souligner que l'entreprise n'était pas une adepte de l'innovation dite de rupture. L'innovation radicale, celle qui change la donne ou qui permet d'attaquer des marchés vraiment nouveaux.
C'est ainsi que, par exemple, le groupe français a négligé de se lancer dans les verres pour écrans plats. Des verres qui exigent des qualités forts différentes de celles des vitrages classiques. Corning, lui, a sauté le pas et à même développé un procédé de fabrication spécifique pour cette innovation de rupture. Il est devenu le leader de ce vaste et nouveau marché.
Didier Roux a donc raison. Mais il s'amuse à nous induire en erreur. Car Saint-Gobain a bel et bien été une entreprise innovante. Toutefois, sa logique, celle qui lui a permis de rester aux avants postes pendant plusieurs siècles, était celle de l'excellence industrielle. L'innovation – incrémentale en l'occurrence - consistait à produire de façon toujours plus efficace les produits qu'elle savait faire. Cela lui a d'ailleurs plutôt bien réussi.
Cette petite histoire souligne à quel point la donne a changé. La remarque de Didier Roux démontre ainsi qu'aujourd'hui la logique de l'innovation incrémentale ne suffit plus. Même un leader comme Saint-Gobain ne peut plus s'en contenter. L'innovation doit être aussi un instrument de conquête de nouveaux territoires.
Vous aurez en tout cas deviné que si Didier Roux se permet cette sortie c'est qu'il peut la mettre au passé. Depuis quelques années, le verrier français s'est en effet engagé dans l'innovation de rupture et en a fait un outil de conquête. Dernier exemple en date : les recherches qu'il mène aujourd'hui sur des verres Oled. Des verres conducteurs qui, via le dépôt de couches minces, permettront de réaliser de grandes surfaces éclairantes et remplaceront, dans les foyers, les ampoules électriques. That's innovation !