mercredi 27 juin 2012

Montebourg : mais où va-t-il chercher tout ça ?

"La même trajectoire que les
ordinateurs personnels" ?
Je le pressentais. J’en ai la quasi confirmation. Arnaud Montebourg est un afficionado du livre de Jeremy Rifkin : « La troisième révolution industrielle »

D’où vient ma conviction ? De ces propos rapportés par le magazine Creusot-infos du 22 juin. On les croirait issu du livre :
«Tout le monde à son niveau devra devenir producteur ou bien générer des économies. C’est vrai des particuliers avec le photovoltaïque. Mais on a aussi besoin d’un grand programme d’économies d’énergies et de rénovation thermique dans les logements des particuliers, pour diminuer la facture énergétique de nos concitoyens. Notre société doit devenir productrice d’énergies de façon décentralisée. C’est la troisième révolution industrielle. Toutes les précédentes révolutions industrielles et les développements de notre pays se sont faits avec de nouvelles énergies. Le chemin de fer avec le charbon, la voiture avec le pétrole, les TGV avec l’électricité. »

C’est bien d’avoir un ministre qui s'informe. Cela dit, je ne voudrais pas jouer les trouble-fête, mais, personnellement, je ne suis pas convaincu des mérites de cet ouvrage et j'en profite pour exprimer mes critiques à son sujet. Selon moi, malgré quelques points de vue intéressants, le livre de Jeremy Rifkin a le défaut d'être avant tout un livre de militant. Et, comme nombre de militants, l'auteur n’hésite pas à distordre la réalité pour la mettre à son service.

En particulier, toute sa thèse est fondée sur le postulat que les prix « des énergies vertes diminuent à bon rythme grâce aux nouvelles percées technologiques, à la rapidité d’adoption et aux économies d’échelle. » Vrai. Mais probablement pas au rythme qu’il laisse supposer ce qui, pourtant, soutient toute son argumentation sur la troisième révolution industrielle.

Là où le bât blesse est dans la démonstration bancale qu’il  donne pour justifier ce point de vue.

Il écrit d’abord : « le coût de l’énergie photovoltaïque devrait baisser de 8% par an – il sera donc divisé par deux tous les huit ans ». Bien.

Puis il tente un parallèle entre la croissance de la commercialisation des technologies solaires et éoliennes et celle des ordinateurs personnels. Il souligne que les installations d'équipements solaires et éoliens doublent tous les deux ans et « sont donc bien partis pour suivre la même trajectoire que les ordinateurs personnel » qui ont connu une telle croissance.

C’est aller vite en besogne,  oublier une chose et mélanger deux phénomènes de nature différentes. L’explosion de la microinformatique est entièrement due aux fulgurants progrès des circuits intégrés – en particulier les microprocesseurs- qui, selon la fameuse « loi de Moore » ont vu depuis 30 ans leurs performances doubler tous les ans et leur prix suivre la trajectoire inverse. Cela signifie une multiplication des performances (ou une division des prix) par 256 en huit ans ! Pas par un facteur 2 comme dans le cas du photovoltaïque.

 Il n’est donc pas assuré que avec de telles baisses de prix, le solaire ou l’éolien ( dont le prix est encore plus difficile à faire baisser, sauf effets d'échelle) continuent à voir doubler leur parc tous les deux ans comme l’ont fait les microordinateurs (et Internet qui a prospéré de même grâce à des coûts de bande passante suivant une trajectoire identique à celle des processeurs).

Bref, à moins d’une véritable révolution technologique que l’on ne peut que souhaiter – un black swan énergétique – toutes les formidables prédictions de Rifkin avec ses « centaines de millions de personnes produisant leur propre énergie verte à domicile, au bureau, à l’usine » prennent un sérieux coup dans l’aile. L’énergie verte « abondante et gratuite », comme l’est devenue la puissance informatique ou la bande passante des réseaux n’est pas pour demain…

 Cela ne signifie pas pour autant que les piste de « l’énergie décentralisée » et celle d’un « Internet de l’énergie » soient à négliger. Elle sont d’ailleurs… déjà planifiées ! Le smart grid, le réseau électrique intelligent, débute sa mise en place en France (avec les compteurs intelligents qui seront généralisés d’ici à 2020). Et la prochaine réglementation thermique (la RT 2020), prévoit que tous les immeubles construits à partir de cette date seront à « énergie positive », c'est-à-dire intégreront leur propre source d’énergie (verte). Quant au programme de rénovation thermique des bâtiments existants, il est lui aussi prévu par le Grenelle de l’environnement.

Tout cela dit pour relativiser la portée du discours du prophète de la troisième révolution industrielle qui, à mon avis, pousse le bouchon un peu loin. D’autant que son livre – et c’est toute l’ironie de l’histoire – est essentiellement écrit pour convaincre les américains de prendre modèle sur ce qui se fait en Europe... Américains qui, eux, ont déjà dix bonnes longueurs d'avance sur l'autre troisième révolution industrielle, la vraie, celle du numérique...

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L'article de Creusot-infos :

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