mardi 5 juin 2012

France et High Tech : Caramba ! Encore raté


Esterel Technologies : morte
au champ d'honneur
Vous ne connaissez peut-être pas Estérel Technologies. C’est une superbe start-up française, spécialisée dans un domaine pointu, un domaine d’excellence français du numérique : les applications critiques embarquées (les logiciels temps réel pour l’aéronautique par exemple). Elle propose des outils de simulation mondialement réputés.

Enfin, c’était une belle et prometteuse start-up. Elle vient d’être rachetée par l’américain Ansys. Une de plus. La liste de nos joyaux numériques passés dans le giron de grands américains est interminable. Elle s’ajoute à celles (moindre mal) avalées par des grandes entreprises françaises. Récemment : Exalead et Netvibes par Dassault Systèmes, Deezer par Orange.

La malédiction a encore frappé. Les start-up françaises, du numérique en particulier, sont légion et sont souvent excellentes. Quasiment aucune n’est devenue très grande. Par le passé,  Dassault Systèmes et Ubisoft sont l’exception qui confirme la règle (et ce ne sont pas des start-up au sens propre). Business Objects le plus beau fleuron hexagonal de start-up qui avait formidablement grossi a fini par être rachetée par l’allemand SAP...

Le rachat d'Esterel intervient juste après un rapport publié par Terra Nova. Il constate : les Etats-Unis ont produit des Microsoft, des Google, des Cisco etc.  et nous rien de comparable.

Oui, c’est bien vrai, et n’a rien de nouveau. Terra Nova découvre la lune. Mais la question du pourquoi est fondamentale. Pourquoi seuls les Etats-Unis parviennent à accoucher de ces géants ? Pourquoi personne d’autre, et pas seulement la France, n'y arrive (le seul autre exemple européen de géant du numérique est SAP) ? Peut-on espérer que cela change (avec des entreprises  prometteuses comme Free et autres Viadeo ) ?

On a apporté des multitudes d’explications ponctuelles à ces disparitions précoces. On tourne en rond. Il est vraiment temps de débattre en profondeur du sujet. D’étudier sans parti pris pourquoi ce qui marche aux USA ne marche pas ailleurs, notamment en France.

Il est temps de poser des questions iconoclastes pour espérer trouver des réponses originales. Par exemple :
- Le système américain, voire la culture, qui génère ces géants n’est il pas au bout du compte incompatible avec le système français ?
- Alors que nous avons tant de start-up performantes et de grands groupes puissants, faut-il vraiment s’ingénier à développer des ETI (autre facette du problème des entreprises, PME ou start-up, qui ne croissent pas) ? Autrement dit, devons nous miser sur nos points forts ou s’attacher à remédier à nos faiblesses ?
- Y-a-t-il une alternative au modèle illustré par la Silicon Valley ? Faut-il s'acharner à le copier ou inventer autre chose ?
- Peut-on rêver d’un Microsoft français et dans le même temps juger que la fortune est obscène ? Les fondateurs des géant américains gagnent légèrement plus que 20 fois le Smic... Il sont parmi les plus riches du monde !
- Y-a-t-il vraiment pour les start-up françaises une autre porte de sortie que le rachat ? Corollaire : leurs fondateurs visent-ils à bâtir un "empire" ou bien a être achetés vite et bien ?
- L’achat d’une start-up par un grand groupe français est-il un désastre ou une bénédiction ? Dans le cas d’Exalead, Dassault Systèmes apparaît comme un sauveur. Mais souvent l’acquéreur fait figure de fossoyeur. Il ne conserve évidemment de la start-up que ce qui lui sert dans son métier. Ce faisant, il lui coupe les ailes.
- Idem pour l’achat par un groupe étranger.
- L’Europe est-elle une solution ? Le modèle Airbus a été une belle innovation industrielle. Est-il transposable au numérique qui exige une réactivité sans commune mesure avec les grosses et lourdes machineries européennes ?

Ce n’est qu’en répondant franchement à des questions de ce type qu’une solution peut être pensée. Ce n’est en tout cas pas, comme le fait malheureusement Terra Nova, en apportant des réponses à la va vite, genre "réforme du système français d’innovation". Il y a au moins quinze ans qu’on le fait, qu'on essaie de répliquer le modèle de la Silicon Valley. En France, contrairement à l'Allemagne, les start-up pullulent - de ce point de vue le système d'innovation n'est pas en échec comme le dit Terra Nova. Mais elles finissent le plus souvent comme Esterel Technologies…

Arnaud Montebourg disait, a peine nommé, « il faut inventer une politique industrielle. » Oui c’est peut être bien de cela qu’il s’agit : inventer.

A lire
La note de Terra Nova : l’innovation en France : un système en échec

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'aurai une question à vous poser concernant cet très bon article: quel était le statut d'esterel avant de se faire acheter? Etait elle cotée en bourse comme le pouvait être LeGuide.com avant d'être rachetée par Lagardère?
    Merci,
    Antoine.

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  2. Lu sur le site : Esterel Technologies is a privately held company with European headquarters in Elancourt, France, U.S. headquarters in Boston, Massachusetts and direct sales offices in Germany, the United Kingdom, Russia, and China.

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