mardi 22 mai 2012

Les vrais défis du « redressement productif »


Et maintenant, en route vers
le redressement productif !
Puisque Ministère du redressement productif il y a, l’occasion est bonne pour faire le point sur les enjeux et les défis à relever par Arnaud Montebourg (et ses ministres délégués) en matière de réindustrialisaiton. Ils se situent à trois niveaux : l’immédiat, le moyen terme et le long terme.

L’immédiat est le moins important – sauf pour les personnes concernées – mais très probablement celui qui fera couler le plus d’encre et sera au cœur de l’actualité pendant quelques semaines : les plans de licenciements en cours et ceux, comme le dit le ministre, qui ont été « mis au congélateur ».

On est là dans le pur « politique ». Dans l’affichage auprès du public d’une volonté de défendre l’emploi industriel. Clairement Arnaud Montebourg sait qu’il ne pourra pas tout régler –il l’a déjà annoncé. Mais on n’échappera certainement pas à quelques mesures phares et symboliques. Typiquement du type de celles prises par l’ex président Sarkozy, en faveur des salariés de Lejaby par exemple. Tant mieux pour les salariés concernés. Mais cela n’a évidemment que peu de choses à voir avec le redressement productif.

Le moyen terme, c’est la restauration de la compétitivité des entreprises existantes qui ont vu leur compétitivité prix et qualité s’éroder dramatiquement depuis 2000. Beaucoup, dont Louis Gallois, ex patron d’EADS, militent pour un « choc de compétitivité » afin de restaurer les marges des entreprises et reconstituer leurs fonds propres de façon à investir pour retrouver la compétitivité perdue.  Ils préconisent pour cela une baisse du coût du travail via le transfert de charges sociales (sur la CSG ou la TVA) accompagnée d’un dispositif tel que les économies réalisées soient effectivement allouées à l’investissement et la montée en gamme.

Sur ce point certains syndicats – la CFDT notamment – sont d’accord. FO et la CGT beaucoup moins, voire pas du tout. Arnaud Montebourg (et le gouvernement) aura-t-il le courage politique de mettre en œuvre une telle stratégie de l’offre en transférant les charges sur la CSG (puisqu’il n’est plus question de le faire sur la TVA) ? Ce sera un test de la volonté de s’attaquer vraiment au « redressement productif ».

En la matière il est un écueil à éviter : toutes les mesures « symboliques » qui entravent le développement des entreprises. Je pense au cas de l’automobile et de Renault en particulier. L’ex ministre de l’industrie Christian Estrosi, soutenu par le président d’alors, a imposé de nombreuses contraintes inutiles au constructeur pour afficher sa volonté de lutter contre les délocalisations.  Cela est même allé jusqu’à critiquer l’implantation récente de Renault au Maroc. Une implantation pourtant totalement justifiée par la production dans ce pays de véhicules à bas coût de la gamme Logan qui ne pourraient en aucun cas être produits en France.

Ici on peut espérer que Montebourg fera sien l’adage hippocratique : « primum non nocere », autrement dit, avant de décider de quelque  mesure que ce soit le plus important est de s’assurer qu’elle n’aura aucun impact négatif.

Le « choc de compétitivité » n’est pas la seule arme propre à assurer le développement des entreprises françaises. S’assurer que  les grands donneurs d’ordres s’attachent à soutenir et à faire progresser les entreprises de leur filière – c'est-à-dire, en clair,  arrêtent de les étrangler en se contentant d’exiger toujours plus de baisses de prix - peut jouer un rôle important.

De même que la mise en place de quelques mesures de type « protectionniste » qui, bien ciblées, ne sont pas à dédaigner : imposer par exemple un minimum de contenu local aux productions des grands groupes (ce qui se pratique tacitement presque partout sauf en France) et orienter les commandes publiques autant que possible vers le « made in France ». Intuitivement on imagine que l’actuel ministre de l’industrie pourra se montrer plus à l’aise sur ce terrain.

Le troisième défi est celui du long terme, c’est l’aide à la création des industries de demain. C’est le cœur d’une politique industrielle. Quasiment plus personne – y compris la banque mondiale qui y était farouchement opposée et y compris les plus libéraux de tous, les britanniques– ne doute de la nécessité de mettre en œuvre une politique industrielle pour orienter le développement des industries du futur. On mesure l’enjeu quand on sait que la Chine va accorder sur cinq ans 1500 milliards de dollars au développement de ses industries émergentes : biotech, technologies de l’information, systèmes de production avancés, matériaux…

C’est un formidable défi. Le modèle passé d’une politique menée par l’état autour de grands programmes qui avait si bien réussi à la France au cours des décennies passées n’est plus de mise. « L’état doit se faire stratège » dit Alain Rousset, conseiller de François Hollande pour l’industrie lors de la campagne électorale. Tout le monde s’accorde sur ce fait. Mais la définition de la stratégie est à inventer et, en la matière, les choix peuvent conduire aussi bien à des formidables réussites qu’à des échecs retentissants ! Arnaud Montebourg, pourra en tout cas s’appuyer sur quelques dispositifs forts dont dispose la France pour favoriser l’innovation, en particulier le crédit d’impôt recherche et les investissements d’avenir.

Bien du pain sur la planche, donc, pour le nouveau ministre. Il est également un autre défi majeur à relever qui, celui là, n’est pas dans ses attributions : la formation de travailleurs hautement qualifiés sur lesquels s’appuyer pour assurer le développement de ces industries. L’importance du sujet saute aux yeux lorsque l’on sait que, ici aussi, la Chine se fait menaçante : elle affiche l’objectif d’être le principal pourvoyeur de « capital humain » à l’horizon 2050.

Seule bonne nouvelle pour Arnaud Montebourg : il n’aura plus, ou presque plus, à se battre contre les délocalisations vers les pays à bas coût de main d’œuvre. Toutes les études récentes montrent qu’avec l’explosion des salaires en Chine, en Inde comme dans le reste de l’Asie il devient de moins en moins profitable de produire en Asie pour profiter uniquement des bas salaires. Le mouvement de relocalisation des entreprises américaines vers le Etats-Unis a d’ailleurs commencé et devrait s’accélérer pour atteindre son apogée en 2015 si l'on en croit le Boston Consulting Group.

Malheureusement, la fin de l’avantage coût ne signifie pas la fin de la concurrence des ces pays, notamment de la Chine. Au contraire, elle s’intensifie avec sa volonté de monter en gamme vers l’innovation et les high tech ! D’où l’impérative nécessité de ce  ministère du redressement productif, finalement pas si mal nommé.

lundi 21 mai 2012

Ministère du redressement productif, ne boudons pas notre plaisir


Monsieur le ministre du redressement productif
L’intitulé du ministère confié à Arnaud Montebourg – redressement productif... – fait parfois sourire et suscite souvent l’ironie. Cela dit, ne boudons pas notre plaisir. Au-delà de son intitulé on ne peut que se féliciter de sa création. Après tout l’important est que le gouvernement Hollande compte désormais un « vrai » ministère de l’industrie. Un ministère à part entière intégralement consacré à la problématique de l’industrie au sens large et non plus un sous ministère sans grand pouvoir au sein du ministère de l’économie et des finances.

C’est un point positif. Comme l’est son importance. D’aucuns présentent en fait Arnaud Montebourg comme le numéro 2 du gouvernement. Il est entouré de deux ministres délégués. Sylvia Pinel est chargée de l'artisanat, du commerce et du tourisme et Fleur Pellerin est en charge des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique.

A ce propos on se félicitera également de voir l’innovation figurer explicitement dans les attributions de Fleur Pellerin qui vient par ailleurs de choisir son directeur de cabinet : Sébastien Soriano, un X Telecom jusque là rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

Le militant de la réindustrialisation ne peut donc que se montrer satisfait de la création de ce ministère. D’autant qu’ Arnaud Montebourg, affirmait  il y a peu : « Nous devons penser que le producteur, l'entrepreneur, le chef d'entreprise, le créateur, l'ingénieur, le travailleur sont ceux qui assurent la prospérité d'un pays. Et sans eux, il est impossible d'imaginer un avenir. Un pays qui ne produit plus est dans la main des pays qui produisent. »

Reste désormais à savoir quel sera son réel pouvoir et ses choix…

Pour l’instant c’est assez flou. Et on peut déplorer que, l’actualité étant de qu’elle est, les premières manifestations d’Arnaud Montebourg soient plus centrées autour la problématique des plans sociaux que sur le redéploiement de l’industrie. Mais, évidemment, le sujet ne peut être évité et Arnaud Montebourg fait preuve d’un pragmatisme certain lorsqu’il affirme qu’il est probable qu’il ne sauvera pas tout le monde…

A quoi peut-on s’attendre ? Sans doute, si l’on en croit les propos d’Arnaud Montebourg, à la mise en place d’une solide « politique industrielle ». Il affirmait en effet en mars dernier devant les salariés des laboratoires Fournier : « Nous pensons que l'urgence autour du tissu industriel exige que nous prenions des décisions draconiennes et dirigistes, car notre économie est en danger »

Et nous voilà donc au cœur même de la problématique de ce blog et dans le vif du problème : une politique industrielle oui, mais laquelle ? Dans une interview au Journal du Dimanche, Arnaud Montebourg disait hier : «  La reconstruction de notre appareil productif est une grande cause nationale. […] Il faudra inventer des soutiens de toute nature : recherche et développement, financement, fiscalité, réglementation, prix de l’énergie. » 

Et oui, c’est bien cela : « il faudra inventer… ».

Pour l’instant, la première étape est clairement la création de la banque publique d’investissement et la création du livret épargne industrie et Arnaud Montebourg a déjà rencontré Jean-Louis Beffa, l’ex patron de Saint Gobain et inoxydable défenseur de l’industrie (il avait déjà inspiré Jacques Chirac…). Et après ?

On se permettra de faire une suggestion, en reprenant la récente étude du World economic forum qui écrit :  «  La pire politique industrielle est celle où les politiciens interviennent pour sauver des emplois, des métiers ou des secteurs industriels qui ne sont plus compétitifs. Le risque d'échec d'une politique industrielle est moindre quand elle suit les tendances du marché en s'appliquant à des industries qui font déjà preuve d'un avantage concurrentiel.  »   

mercredi 16 mai 2012

Comment réaliser le parfait cocktail d’innovations ?


70% de core, 20% d'adjacent et 10%
de transformational. Délicieux !
Prenez 70% d’innovation "de base". Ajoutez 20% d’innovation "adjacente". Complétez avec 10% d’innovation "de transformation". Agitez et savourez le parfait cocktail d’innovation qui conduira votre entreprise à la réussite.

Cette « recette » ne dit pas comment innover – il n’y a malheureusement de solution toute faite en la matière - mais comment gérer au mieux le portefeuille d’innovations d’une entreprise.  Elle est exposée dans le numéro de mai d’Harvard Business Review par Bansi Nagji et Geoff Tuff, tous deux partners de la société de conseil américaine Monitor Group.

L’intérêt et l’originalité de leur démarche est de partir des trois types d’innovations couramment pratiqués dans les entreprises et, à partir de là, d’analyser quelle combinaison de ces types d’innovation conduit au meilleur résultat en termes d’augmentation des revenus et de la valeur de l’action des entreprises.

Les trois types d’innovation qu’ils distinguent sont :
- La core innovation, l’innovation de base, c'est-à-dire l’innovation incrémentale appliquée sur les produits traditionnels de l’entreprise et sur ses marchés traditionnels
- L’adjacent innovation, c'est-à-dire l’innovation autour des savoir-faire traditionnels de l’entreprise mais qui conduit l’entreprise à servir de nouveaux marchés et de nouveaux clients, proches toutefois des marchés traditionnels (exemple le swiffer de Procter & Gamble)
- La transformational innovation, de l’innovation plus radicale qui s’attaque cette fois  à des marchés et des clients entièrement nouveaux pour l’entreprise (exemple iTunes d’Apple)

Leur étude leur a permis de constater que les meilleurs résultats du point de vue des résultats de l’entreprise sont obtenus par celles qui accordent 70% du budget d’innovation aux premières, 20% à la seconde catégorie et 10% à la dernière. En retour les bénéfices obtenus sont strictement à l’opposé : les core innovation rapportent seulement 10% des bénéfices, les adjacent, 20%, et les transformational, 70%.

Les auteurs avertissent que ce découpage 70-20-10 est la moyenne globale constatée sur l’ensemble des entreprises étudiées qui ont le mieux réussi. La répartition exacte, elle, varie selon le type d’industrie. Ainsi elle serait plutôt de 80-18-2 pour une entreprise de biens de consommation, de 70-20-10 dans le cas d’une industrie diversifiée et de 45-40-15 pour une entreprise de technologie.

L’intérêt d’une telle approche est d’une part d’éviter aux entreprises de se focaliser trop ou trop peu sur tel ou tel type d’innovation, de souligner l’importance de jouer simultanément sur les trois leviers d’innovation et de fournir des lignes directrices claires pour l’affection des budgets et des savoir-faire qui sont très différents selon que l’on pratique un type d’innovation ou un autre.

mardi 15 mai 2012

Chine et high-tech : une menace à prendre (très) au sérieux


Robert Atkinson : "les experts ne
saisissent pas ce que fait la Chine"
La semaine dernière, le Dr. Robert D. Atkinson, président du think tank américain ITIF (Information Technology and Innovation Foundation ) a planché devant une commission américaine, l’ U.S.-China Economic and Security Review Commission. Sujet de son rapport : la volonté fermement affichée de la Chine de devenir une nation innovante. 

Que la Chine ait l’ambition d’abandonner le modèle de production à bas coût pour dominer à terme le monde des high tech ne fait aucun doute. Elle n’en fait d’ailleurs pas mystère puisque c’était déjà l’objet de son 11è plan quinquennal. Le 12è qui vient de démarrer renforce encore l’accent mis sur la high tech et consacrera pas moins de… 1500 milliards de dollars sur 5 ans au développement d’industries stratégiques émergentes ! !

Robert D. Atkinson pose alors la question clé : doit-on s’alarmer de cette ambition de dominer le monde des high-tech ? 

La question n’est pas de pure forme car, dit Atkinson, aux Etats-Unis, la plupart des experts doutent que la Chine puisse parvenir à ses fins dans le domaine de l’innovation et des high tech. Ils pensent que faute d’adopter le modèle américain (libéralisme, démocratie, liberté de parole…) aucune nation, et donc la Chine encore moins que les autres, ne peut innover significativement. Bref, pensent ces optimistes, les Etats-Unis resteront encore longtemps intouchables en matière d’innovation quels que soient les efforts chinois.

Robert D. Atkinson apporte trois bémols à cette confiance dans la vertu du système américain d’innovation. Il dit ainsi :
- Même si les entreprises chinoises ne deviennent pas des leaders en apportant des innovations radicalement nouvelles, l’économie chinoise peut toutefois s’imposer comme leader de l’innovation si elle mène une politique telle que les multinationales implantent de plus en plus d’activités innovantes dans ce pays
- Même si la Chine ne crée pas d’innovations radicales les entreprises chinoises ont la possibilité de devenir des « fast followers », spécialement dans le domaine des innovations basées sur l’ingénierie, domaine où elle possède de réels atouts
- Même si la Chine ne parvient pas à devenir une économie basée sur l’innovation, sa politique mercantiliste basée sur l’innovation peut continuer à faire beaucoup de mal aux entreprises américaines de technologie et à son économie d’innovation.

Bref, conclut Robert D. Atkinson « c’est à ses risques et périls que l’Amérique continuerait d’ignorer la volonté d’innovation de la Chine ». 

Au-delà ce cette constatation, il pense en outre que les économistes américains sont aveuglés par leur croyance dans l’économie marché et ne saisissent pas ce que fait la Chine. Pour eux, s’appuyant sur les thèses de Ricardo concernant le libre échange,  la politique économique consiste a améliorer le niveau de vie des consommateurs en laissant le marché distribuer la production de biens de service de façon la plus efficace au sein de marchés bien définis et protégés juridiquement.

Autrement dit chaque pays doit jouer à fond ce qui fait son avantage comparatif. Ces ricardiens jugent  ainsi que si la Chine est assez folle pour financer le domaine high tech où elle ne possède aucun avantage, cela se retournera contre elle. Seulement, avertit Atkinson, la Chine ne joue pas ce jeu et n’adopte pas les mêmes règles.  D’où le véritable danger…

Lire le rapport « Assessing China’s Efforts to Become an Innovation Society- A Progress Report » (9 pages)

dimanche 13 mai 2012

Obama : un dilemme cornélien à propos… de chaussures


Que faire pour New Balance ?
A ma gauche New Balance Athletic Shoes. Le producteur de chaussures de sport américain fabrique ses chaussures dans l’état du Maine. Il produit 7 millions de paires par an, le quart de ce qui se vend aux USA. Il paie ses employés 10 dollars de l’heure. Intérêt pour lui de produire aux USA : la qualité, la réactivité. 

A ma gauche : Nike. Il produit une bonne partie de ses chaussures au Vietnam. Il paie ses employés 46 cents de l’heure.

Entre les deux Barack Obama. Il négocie des accords de libre échange avec huit états du Pacifique, dont le Vietnam. Si un tel accord est signé, c’est la fin des droits de douanes sur les chaussures importées depuis de ce pays. C’est une opportunité de développer le business avec ces régions. C’est aussi la mort certaine pour New Balance.

Les droits de douane actuels peuvent atteindre 67,5% sur les chaussures, ce qui revient à tripler le coût des produits importés. Sans eux, New Balance ne peut s’en sortir.

Que faire quand vous avez fait du maintien – voire du rapatriement -  du manufacturing aux US votre credo ?

Qui écouter ? New Balance, qui, évidemment, ne veut pas mourir ? Ou Nike qui plaide que « les emplois du 21è siècle ne sont pas ceux qui existaient il y a 30 ans » ? Ou le député républicain de l’Oregon qui dit que conserver les droits de douane « pénalisera des millions de consommateurs pour sauver quelques milliers d’emplois » ? Ou le directeur des public affairs, Matthew LeBretton qui avance « le pays souffre quand il perd sa capacité à produire » ?

Le débat se poursuit, ainsi que les discussions sur le libre échange.

Lu dans Business Week du 7 mai.

vendredi 4 mai 2012

Bruxelles approuve les aides au jeu vidéo

C'était une revendication forte du Syndicat national du jeu vidéo. C'est désormais chose faite.

Joaquín Almunia, vice-président de la Commission européenne chargé de la politique de la concurrence, a déclaré: "Le crédit d'impôt français a permis de soutenir une grande diversité de projets à vocation culturelle dans le secteur du jeu vidéo, sans altérer les conditions de concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Je suis heureux d'approuver sa prolongation."

La mesure est ouverte aux entreprises de production de jeux vidéo établies en France de façon stable, y compris les entreprises européennes.

Rappel : en 2008, la France avait mis en place un crédit d'impôt s'élevant à 20% des dépenses de conception et de création des jeux vidéo à contenu culturel, jusqu'à un maximum de 3 million d'euros par entreprises et par an. Le renouvellement du dispositif arrivé à échéance fin 2011 avait été bloqué par Bruxelles.

Pour en savoir plus
France, ton jeu vidéo fout le camp
Dix mesures pour sauver le jeu vidéo

Histoire d'ETI : Jobin Yvon, rachetée mais pas perdue…


Le futur centre de R&D de Saclay : un investissement
de 25 millions d'euros
Chaque année 17% des PME françaises de 250 à 500 personnes sont absorbées,  par des grands groupes notamment et souvent d’origine étrangère. Il y a de quoi s’inquiéter et comprendre, aussi, pourquoi si peu de PME atteignent le stade d’ETI (entreprise de taille intermédiaire).

Cela dit, doit-on systématiquement stigmatiser le rachat d’une « belle » PMI française par une entreprise étrangère ? Est-ce toujours une perte irrémédiable ? Sans apporter de réponse globale au problème, l’exemple de Jobin Yvon montre en tout cas que la prise de contrôle par un groupe étranger n’est pas obligatoirement une mauvaise affaire.

Jobin Yvon, fondée en 1819 dans l’environnement d’Augustin Fresnel est un fabricant d’instruments scientifiques en optique. Une perle rare grâce à sa maîtrise d’un composant optique clé, les réseaux holographiques, sur lesquels elle a fondé sa réussite récente. Depuis 1997 la PME qui comptait alors 230 personnes en France (400 dans le monde avec son usine américaine) et réalisait un CA de 40 M€ s’appelle Horiba Jobin Yvon.

Horiba est une ETI japonaise familiale de quelque 5000 personnes, spécialisée en instrumentation, et notamment l’analyse des gaz. Elle a pris le contrôle de Jobin Yvon quand les cadres qui la détenaient depuis le début des années 80, suite à un LBO, ont décidé de la vendre.

Qu’est devenue la PMI française depuis ?
- Elle compte désormais 350 personnes en France, 600 dans le monde.
- Elle réalise un chiffre d’affaire de 100 M€
- Elle exporte 85% de sa production
- Elle vient d’installer une trentaine de personnes en Chine. Des postes très qualifiés voués à la vente de ses produits, pas à la fabrication qui demeure en France et aux Etats-Unis. Elle s’installe au Brésil en s’appuyant sur l’infrastructure Horiba. L’Inde suivra.
- Elle est en train de finaliser la construction d’un centre de R&D sur le campus de Paris- Saclay. Un investissement de 25 M€. Il ouvrira en octobre prochain, comptera 130  chercheurs et vise atteindre 250 personnes. Des embauches en perspective puisque la R&D de l’entreprise ne compte aujourd’hui que 90 personnes.
- Michel Mariton, le pdg, est également le responsable d’Horiba Europe, la holding européenne qui a installé son siège à Paris, alors que l’Allemagne souhaitait l’héberger.
- Michel Mariton est également le responsable mondial du segment scientifique d' Horiba qui englobe la partie Jobin Yvon et des activités voisines au Japon

Bref, loin d’être un désastre, la prise de contrôle s’avère plutôt une bonne affaire et pour l’entreprise et pour l’emploi et la production en France.

Il est vrai qu’il y a un élément déterminant dans cette affaire, l’identité du repreneur. « Lorsque les cadres de Jobin Yvon ont vendu l’entreprise, ils n’ont pas choisi le mieux disant. L’offre financière de l’entreprise japonaise n’arrivait qu’en deuxième position » rappelle Michel Mariton. Les raisons du choix : Horiba, industriel japonais, visait le long terme et donc le développement de l’entreprise. Voilà des vendeurs avisés. Le rachat par un financier n’aurait certainement pas conduit au même résultat...

Faut-il regretter que Jobin Yvon ne batte plus seulement pavillon français ? On peut en débattre à l’infini. Mais il y a un élément d’ironie dans toute cette histoire. Jobin Yvon était entré dans les années 70 au sein de Creusot Loire. Rebaptisée Instruments SA l’idée d’en faire un champion français de la technologie a fait son chemin. L’entreprise s’est mis à se diversifier à outrance, allant même jusqu’à produire les micro-ordinateurs de l’éphémère français Léanord. Creusot Loire a connu le sort qu’on sait et Jobin Yvon s’est sauvée et redressée grâce au LBO. A méditer lorsqu’on pense « politique industrielle »…

(Cet article a été publié initialement sur le site de La Fabrique de l'Industrie, le think tank consacré à la réindustrialisation présidé par Louis Gallois)

jeudi 3 mai 2012

« Ne diminuez plus le nombre de vos sous-traitants, augmentez-le ! »


John Hagel III  de Deloitte analyse
 le "grand virage" du manufacturing 
C’est paradoxal : « entreprises manufacturières, arrêtez de diminuer le nombre de vos sous-traitants, augmentez-le ! » écrivent en substance John Hagel III, directeur à Deloitte Consulting LLP et John Seely Brown de co-président du Center for Edge Innovation de Deloitte.

C’est l'une des perles du rapport du World Economic Forum, «  The Future of Manufacturing - Opportunities to drive economic growth » dont je me faisais l’écho dans le post précedent.

Les auteurs commencent pas rappeler que, depuis des lustres, les entreprises s’acharnent à la fois à diminuer le nombre de leurs  sous-traitants et à les pressurer sur les coûts. « C’est un jeu de rendements décroissants » jugent-ils.

Ils pensent que désormais, les infrastuctures numériques, plus flexibles et plus performantes, imposent de changer de jeu. « Il devient plus facile et plus  rentable de coordonner un réseau de sous-traitants plus vaste et plus diversifié à l’échelle mondiale » affirment –ils. Ils pensent donc que la tendance à la réduction du nombre de sous-traitants va s’inverser.

Pour eux il y a en effet une opportunité à saisir en élargissant ces réseaux de façon à profiter d’une spécialisation accrue. D’où une meilleure flexibilité des opérations dans un environnement économique de plus en plus volatile.

Mieux, grâce à ces infrastructures, il devient plus facile de nouer des liens étroits au sein de ce réseau. Cela permettra alors d’acquérir plus rapidement des connaissances et d’améliorer les performances en mobilisant des savoir-faire plus divers.  Ainsi de plus en plus, la logique conduit à s’extraire du point de vue réducteur de « réduction des coûts » pour miser sur la mise au point d’une large palette d’innovations propres à délivrer plus de valeur sur le marché.

Bref, « plutôt que de subir la pression des rendements décroissants, les entreprises ont désormais l’opportunité de générer des rendements croissants grâce à l’effet réseau dont la performance s’accroît avec le nombre de participants. »

Ce qui est le plus intéressant est que ce point de vue n’est pas une lubie sortie de nulle part, mais l’exemple qu’ils donnent pour illustrer leur théorie qu’ils appellent le « Big shift in manufacturing ». 

Qu’est ce que ce « grand virage » ? Accrochez-vous, je résume.

Ils expliquent que le « Big shift » est le résultat du développement des infrastructures numériques et de la libéralisation des politiques publiques.  Ils y ajoutent une autre évolution qui y participe : les bases même de la concurrence qui ont radicalement changé : « nous sommes passé d’un monde de ‘stock’ à un monde de ‘flux’ » disent-ils.

Cela signifie que par le passé la compétitivité et la profitabilité des entreprises était le résultat de l’accumulation de stocks de connaissances que l’on protégeait et desquels on extrayait la valeur. Désormais la valeur de ces stocks s’épuise à grande vitesse. Les entreprises doivent alors renouveler de plus en plus fréquemment - et de plus en plus vite - ces stocks en puisant dans le flux ininterrompu de nouvelles connaissances qui, lui, explose.

Ils en veulent pour preuve ce qu’ils appellent le Shift Index. C’est en fait la mesure du ROA (return on assets). Ils constatent de depuis 1965, le ROA, donc la profitabilité,  des entreprises cotées américaines est en chute libre. Il n’est plus aujourd’hui que…  25% de ce qu’il était en 1965 ! Et cela malgré tous les progrès de productivité.

Conclusion : face à cette situation, « les entreprises qui s’acharnent à protéger leur ‘stock’ sont vouées à l’échec. En revanche, il y a des opportunités à saisir par celles qui sauront mettre à profit l’explosion du flux de connaissances. »

 Le cas du réseau de sous-traitants n’est ainsi que le résultat de cette analyse et montre, sur un exemple précis,  comment exploiter ces nouvelles opportunités. Cqfd.