vendredi 4 mai 2012

Histoire d'ETI : Jobin Yvon, rachetée mais pas perdue…


Le futur centre de R&D de Saclay : un investissement
de 25 millions d'euros
Chaque année 17% des PME françaises de 250 à 500 personnes sont absorbées,  par des grands groupes notamment et souvent d’origine étrangère. Il y a de quoi s’inquiéter et comprendre, aussi, pourquoi si peu de PME atteignent le stade d’ETI (entreprise de taille intermédiaire).

Cela dit, doit-on systématiquement stigmatiser le rachat d’une « belle » PMI française par une entreprise étrangère ? Est-ce toujours une perte irrémédiable ? Sans apporter de réponse globale au problème, l’exemple de Jobin Yvon montre en tout cas que la prise de contrôle par un groupe étranger n’est pas obligatoirement une mauvaise affaire.

Jobin Yvon, fondée en 1819 dans l’environnement d’Augustin Fresnel est un fabricant d’instruments scientifiques en optique. Une perle rare grâce à sa maîtrise d’un composant optique clé, les réseaux holographiques, sur lesquels elle a fondé sa réussite récente. Depuis 1997 la PME qui comptait alors 230 personnes en France (400 dans le monde avec son usine américaine) et réalisait un CA de 40 M€ s’appelle Horiba Jobin Yvon.

Horiba est une ETI japonaise familiale de quelque 5000 personnes, spécialisée en instrumentation, et notamment l’analyse des gaz. Elle a pris le contrôle de Jobin Yvon quand les cadres qui la détenaient depuis le début des années 80, suite à un LBO, ont décidé de la vendre.

Qu’est devenue la PMI française depuis ?
- Elle compte désormais 350 personnes en France, 600 dans le monde.
- Elle réalise un chiffre d’affaire de 100 M€
- Elle exporte 85% de sa production
- Elle vient d’installer une trentaine de personnes en Chine. Des postes très qualifiés voués à la vente de ses produits, pas à la fabrication qui demeure en France et aux Etats-Unis. Elle s’installe au Brésil en s’appuyant sur l’infrastructure Horiba. L’Inde suivra.
- Elle est en train de finaliser la construction d’un centre de R&D sur le campus de Paris- Saclay. Un investissement de 25 M€. Il ouvrira en octobre prochain, comptera 130  chercheurs et vise atteindre 250 personnes. Des embauches en perspective puisque la R&D de l’entreprise ne compte aujourd’hui que 90 personnes.
- Michel Mariton, le pdg, est également le responsable d’Horiba Europe, la holding européenne qui a installé son siège à Paris, alors que l’Allemagne souhaitait l’héberger.
- Michel Mariton est également le responsable mondial du segment scientifique d' Horiba qui englobe la partie Jobin Yvon et des activités voisines au Japon

Bref, loin d’être un désastre, la prise de contrôle s’avère plutôt une bonne affaire et pour l’entreprise et pour l’emploi et la production en France.

Il est vrai qu’il y a un élément déterminant dans cette affaire, l’identité du repreneur. « Lorsque les cadres de Jobin Yvon ont vendu l’entreprise, ils n’ont pas choisi le mieux disant. L’offre financière de l’entreprise japonaise n’arrivait qu’en deuxième position » rappelle Michel Mariton. Les raisons du choix : Horiba, industriel japonais, visait le long terme et donc le développement de l’entreprise. Voilà des vendeurs avisés. Le rachat par un financier n’aurait certainement pas conduit au même résultat...

Faut-il regretter que Jobin Yvon ne batte plus seulement pavillon français ? On peut en débattre à l’infini. Mais il y a un élément d’ironie dans toute cette histoire. Jobin Yvon était entré dans les années 70 au sein de Creusot Loire. Rebaptisée Instruments SA l’idée d’en faire un champion français de la technologie a fait son chemin. L’entreprise s’est mis à se diversifier à outrance, allant même jusqu’à produire les micro-ordinateurs de l’éphémère français Léanord. Creusot Loire a connu le sort qu’on sait et Jobin Yvon s’est sauvée et redressée grâce au LBO. A méditer lorsqu’on pense « politique industrielle »…

(Cet article a été publié initialement sur le site de La Fabrique de l'Industrie, le think tank consacré à la réindustrialisation présidé par Louis Gallois)

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