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Et maintenant, en route vers
le redressement productif ! |
Puisque Ministère du redressement productif il y a, l’occasion est bonne pour faire le point sur les enjeux et les défis à relever par Arnaud Montebourg (et ses ministres délégués) en matière de réindustrialisaiton. Ils se situent à trois niveaux : l’immédiat, le moyen terme et le long terme.
L’immédiat est le moins important – sauf pour les personnes concernées – mais très probablement celui qui fera couler le plus d’encre et sera au cœur de l’actualité pendant quelques semaines :
les plans de licenciements en cours et ceux, comme le dit le ministre, qui ont été « mis au congélateur ».
On est là dans le pur « politique ». Dans l’affichage auprès du public d’une volonté de défendre l’emploi industriel. Clairement
Arnaud Montebourg sait qu’il ne pourra pas tout régler –il l’a déjà annoncé. Mais on n’échappera certainement pas à quelques mesures phares et symboliques. Typiquement du type de celles prises par l’ex président Sarkozy, en faveur des salariés de Lejaby par exemple. Tant mieux pour les salariés concernés. Mais cela n’a évidemment que peu de choses à voir avec le redressement productif.
Le moyen terme, c’est
la restauration de la compétitivité des entreprises existantes qui ont vu leur compétitivité prix et qualité s’éroder dramatiquement depuis 2000. Beaucoup, dont Louis Gallois, ex patron d’EADS, militent pour un « choc de compétitivité » afin de restaurer les marges des entreprises et reconstituer leurs fonds propres de façon à investir pour retrouver la compétitivité perdue. Ils préconisent pour cela une baisse du coût du travail via le transfert de charges sociales (sur la CSG ou la TVA) accompagnée d’un dispositif tel que les économies réalisées soient effectivement allouées à l’investissement et la montée en gamme.
Sur ce point certains syndicats – la CFDT notamment – sont d’accord. FO et la CGT beaucoup moins, voire pas du tout. Arnaud Montebourg (et le gouvernement) aura-t-il le courage politique de mettre en œuvre une telle stratégie de l’offre en transférant les charges sur la CSG (puisqu’il n’est plus question de le faire sur la TVA) ? Ce sera un test de la volonté de s’attaquer vraiment au « redressement productif ».
En la matière il est un écueil à éviter : toutes les mesures « symboliques » qui entravent le développement des entreprises. Je pense au cas de l’automobile et de Renault en particulier. L’ex ministre de l’industrie Christian Estrosi, soutenu par le président d’alors, a imposé de nombreuses contraintes inutiles au constructeur pour afficher sa volonté de lutter contre les délocalisations. Cela est même allé jusqu’à critiquer l’implantation récente de Renault au Maroc. Une implantation pourtant totalement justifiée par la production dans ce pays de véhicules à bas coût de la gamme Logan qui ne pourraient en aucun cas être produits en France.
Ici on peut espérer que Montebourg fera sien l’adage hippocratique :
« primum non nocere », autrement dit, avant de décider de quelque mesure que ce soit le plus important est de s’assurer qu’elle n’aura aucun impact négatif.
Le « choc de compétitivité » n’est pas la seule arme propre à assurer le développement des entreprises françaises. S’assurer que
les grands donneurs d’ordres s’attachent à soutenir et à faire progresser les entreprises de leur filière – c'est-à-dire, en clair, arrêtent de les étrangler en se contentant d’exiger toujours plus de baisses de prix - peut jouer un rôle important.
De même que la mise en place de
quelques mesures de type « protectionniste » qui, bien ciblées, ne sont pas à dédaigner : imposer par exemple un minimum de contenu local aux productions des grands groupes (ce qui se pratique tacitement presque partout sauf en France) et orienter les commandes publiques autant que possible vers le « made in France ». Intuitivement on imagine que l’actuel ministre de l’industrie pourra se montrer plus à l’aise sur ce terrain.
Le troisième défi est celui du long terme, c’est l’aide à
la création des industries de demain. C’est le cœur d’une politique industrielle. Quasiment plus personne – y compris la banque mondiale qui y était farouchement opposée et y compris les plus libéraux de tous, les britanniques– ne doute de la nécessité de mettre en œuvre une politique industrielle pour orienter le développement des industries du futur. On mesure l’enjeu quand on sait que la Chine va accorder sur cinq ans 1500 milliards de dollars au développement de ses industries émergentes : biotech, technologies de l’information, systèmes de production avancés, matériaux…
C’est un formidable défi. Le modèle passé d’une politique menée par l’état autour de grands programmes qui avait si bien réussi à la France au cours des décennies passées n’est plus de mise.
« L’état doit se faire stratège » dit Alain Rousset, conseiller de François Hollande pour l’industrie lors de la campagne électorale. Tout le monde s’accorde sur ce fait. Mais la définition de la stratégie est à inventer et, en la matière, les choix peuvent conduire aussi bien à des formidables réussites qu’à des échecs retentissants ! Arnaud Montebourg, pourra en tout cas s’appuyer sur quelques dispositifs forts dont dispose la France pour favoriser l’innovation, en particulier le crédit d’impôt recherche et les investissements d’avenir.
Bien du pain sur la planche, donc, pour le nouveau ministre. Il est également un autre défi majeur à relever qui, celui là, n’est pas dans ses attributions :
la formation de travailleurs hautement qualifiés sur lesquels s’appuyer pour assurer le développement de ces industries. L’importance du sujet saute aux yeux lorsque l’on sait que, ici aussi, la Chine se fait menaçante : elle affiche l’objectif d’être le principal pourvoyeur de « capital humain » à l’horizon 2050.
Seule bonne nouvelle pour
Arnaud Montebourg : il n’aura plus, ou presque plus, à se battre contre les délocalisations vers les pays à bas coût de main d’œuvre. Toutes les études récentes montrent qu’avec l’explosion des salaires en Chine, en Inde comme dans le reste de l’Asie
il devient de moins en moins profitable de produire en Asie pour profiter
uniquement des bas salaires
. Le mouvement de relocalisation des entreprises américaines vers le Etats-Unis a d’ailleurs commencé et devrait s’accélérer pour atteindre son apogée en 2015 si l'on en croit le Boston Consulting Group.
Malheureusement, la fin de l’avantage coût ne signifie pas la fin de la concurrence des ces pays, notamment de la Chine. Au contraire, elle s’intensifie avec sa volonté de monter en gamme vers l’innovation et les high tech ! D’où l’impérative nécessité de ce ministère du redressement productif, finalement pas si mal nommé.