Comment se fait-il qu’aux Etats-Unis alors que la productivité progresse régulièrement depuis des décennies et que, hors crises, le PIB augmente également significativement, on se trouve actuellement dans une situation de fort chômage et que, pire encore,
la reprise économique ne s’accompagne pas d’une reprise équivalente des embauches ?
Et comment se fait-il que, alors que la
richesse globale des USA a progressé lors de la dernière décennie, le revenu médian des américains soit en forte baisse ? La famille moyenne gagne moins en 2009 qu’en 1999.
Et comment se fait-il enfin, comme dirait Louis de Funès/Don Salluste, que
les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres ?
Les économistes apportent diverses réponses. Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, deux économistes du
Massachusetts Institute of Technology ont la leur, qu’ils présentent dans un très intéressant livre que je viens de découvrir :
Race Against The Machine.
Leur explication :
c’est essentiellement la révolution numérique qui est responsable de cet état de fait. C’est d’ailleurs ce que souligne le long sous-titre de leur court ouvrage (76 pages) :
How the digital revolution is accelerating innovation, driving productivity and irreversibly transforming employement and the economy. Tout est dit, ou presque.
Leur idée est donc que le développement des systèmes d’information toujours puissants et l’automatisation qui en résulte a rendu et
rend de très nombreux emplois non qualifiés inutiles et a pour effet de substituer le capital au travail. Bref qu’avec les progrès des ordinateurs, on se passe de plus en plus des gens qui ne sont pas très qualifiés – et désormais pas seulement dans les emplois industriels mais aussi ceux de service avec de la valeur ajoutée intellectuelle - et qu’on a plus besoin de les payer autant.
Ce point de vue sur l’impact de l’automatisation n’est peut être pas excessivement original, mais où cela devient intéressant est que
selon nos auteurs cela ne devrait faire que s’accélérer.
Pour résumer leur thèse on peut dire que selon eux, en matière d’informatique, on est en train de passer un seuil où
chaque avancée technologique (comme le doublement habituel de la puissance des processeurs tous les 18 mois )
aura un impact encore bien plus fort que tout ce qui a pu se produire jusque là. Bref, on a encore rien vu !
Pour l’expliquer ils reprennent l’histoire de l’échiquier sur lequel on met un grain de riz sur la première case, deux sur la seconde, quatre sur la troisième et ainsi de suite en doublant à chaque case. On sait qu’à la case 64 il y aura des quantités phénoménales de riz : un Everest en grains de riz ! Mais ils notent que jusqu’à la case 32, soit 4 milliards de grains de riz, le phénomène reste dans des proportions encore raisonnables. Ce n’est à partir de là –la seconde moitié de l’échiquier - que les nombres se mettent à exploser.
Et selon eux, cette case 32 est celle sur laquelle on se trouve aujourd’hui en termes de technologies de l’information. Autrement dit,
tout nouveau progrès, tout doublement de puissance aura désormais des effets explosifs !
L’emploi n’est donc pas près de repartir rapidement… Ce qui n’empêche pas les auteurs, qui essaient en fin d’ouvrage de donner quelques pistes pour s’en sortir, de penser qu’à long terme, la troisième révolution industrielle, celle du numérique, se révélera
une formidable corne d’abondance.
En attendant, comme on dit là bas,
it’s going to get worse before it gets better …
Je ne peux en tout cas que recommander la lecture de ce livre qui évidemment en dit plus long que ce rapide survol.
Et j’en profite pour vous faire partager mon expérience. Le livre est disponible pour environ 3 euros en version numérique pour Kindle sur le site d’Amazon. Mais j’ai pu le télécharger sur mon iPad depuis le site d’Amazon quand j’ai découvert qu’un petit logiciel permet de transformer un PC, un Mac, un iPad ou un iPhone en lecteur Kindle (il s’appelle Kindle for PC ou iPad…). Peut-être le saviez-vous ? Moi pas. La révolution numérique a encore frappé !