mercredi 29 février 2012

Rapport de la banque mondiale : la Chine prête pour la révolution culturelle ?

La bonne direction, c'est par là !
La Banque Mondiale et le Development Research Center du Conseil d’Etat chinois, un institut d’études dépendant directement du gouvernement chinois, en sont d’accord : pour devenir un pays vraiment prospère, la Chine doit adopter un nouveau modèle de développement.

C’est en tout cas  la conclusion du volumineux rapport (391 pages) qui vient d’être rendu public par les deux institutions : China 2030: Building a Modern, Harmonious, and Creative High-Income Society. 

Quel nouveau modèle pour la Chine ? On s’en douterait, le rapport préconise avant tout un achèvement de la transition vers l’économie de marché – via des réformes concernant aussi bien les entreprises que le secteur financier et agricole -, un renforcement du secteur privé et l’ouverture de ses marchés à plus de compétition et d’innovation.

Le rapport propose une série d’étapes pour affronter les risques auxquels doit faire face la Chine dans les vingt prochaines années : danger à court terme d’un hard landing de l’économie, aussi bien que menaces à plus long terme telles celles posées par le vieillissement de la population, l’augmentation des inégalités, la dégradation de l’environnement et les déséquilibres externes.

Six directions stratégiques pour le futur sont ainsi définies dans  le rapport

- L’achèvement du passage à l’économie de marché
- L’accélération de l’open innovation
- Le passage à une économie « verte » afin de transformer les contraintes environnementales en un  moteur de croissance
- Le développement des opportunités et des services dans le domaine de la santé, de l’éducation et de l’accès à l’emploi pour tous
- La modernisation du système fiscal
- La recherche de relation gagnant gagnant avec le reste du monde en liant les réformes structurelles chinoises à l’évolution de l’économie internationale.

On ne s’étonne pas de ces préconisations de la part de la Banque Mondiale. En substance, elle demande à la Chine de jouer enfin les règles du jeu de l’économie de marché. Elle lui suggère d’une certaine façon d’abandonner la stratégie qui a fait sa force depuis trente ans avec, notamment une économie largement dominée par de gigantesques entreprises d’état qui détiennent la plupart des secteurs clés. Une véritable révolution culturelle !

Il est plus surprenant en revanche qu’un institut gouvernemental chinois comme le Development Research Center apporte sa caution à une telle étude. Ruse ou prise de conscience réelle des limites de la politique actuelle ? On verra ce que fera le successeur de Hu Jintao.

A lire 

Le rapport complet China 2030: Building a Modern, Harmonious, and Creative High-Income Society (391 pages pdf)
L’executive summary du rapport (3 pages pdf)
Voir le site du Development Research Center of the State Council 

mardi 28 février 2012

Réindustrialisation : le point de vue de FO


Pascal Pavageau, secrétaire
confédéral de FO
Pas de TVA sociale. Pas d’augmentation de CSG. Bref, pas de transfert du financement de la protection sociale. « Le coût du travail n’est pas la cause du manque de compétitivité de l’industrie française » juge Pascal Pavageau, secrétaire confédéral du syndicat Force Ouvrière, interviewé en exclusivité pour ce blog.

En revanche, pour soutenir et relancer l’industrie et l’emploi industriel, le syndicat met en avant cinq grandes revendications.

1. Créer une véritable banque publique pour l’industrie, non pas celle mise en place par le gouvernement actuel « qui n’est qu’un complément de financement apporté à Oséo » mais « une banque qui aurait la capacité à coordonner tous les financements publics », depuis le FSI (Fonds stratégique d'investissement) jusqu’à la caisse des dépôts en passant par Oséo. « Cette banque serait ainsi au service d’une véritable politique industrielle qu’il est important de définir. Il n’est pas normal qu'un organismes comme le FSI, par exemple, finance des entreprises de son propre chef sans qu’on connaisse précisément les raisons de ses choix » dit Pascal Pavageau.

2. Un financement conditionnel : « Nous pensons que toute intervention publique en matière de financement des entreprises doit être conditionnée, au moins pour un certain temps, à des engagements en matière d’emploi. » En clair, Pascal Pavageau ne souhaite plus voir « des financements qui servent à une entreprise à déménager sa production vers des pays à bas coût de main-d’œuvre. »

3. Lutter contre le dumping social et, en particulier « renégocier au niveau européen la directive service qui permet, par exemple en Allemagne, de payer les travailleurs au niveau des salaires des pays dont ils sont issus. »

4. Remettre à plat les relations donneurs d’ordre-sous-traitant. « Le bon niveau d’échange se situe au niveau de chaque filière industrielle avec des accords qui peuvent se décliner au sein des branches » pense Pascal Pavageau. Il ajoute : « le gouvernement a un rôle à jouer, au moins quand le donneur d’ordres est une entreprise publique. »

5. Faire évoluer le Crédit d’Impôt Recherche. « Il faut le transformer en un crédit d’impôt innovation, c'est-à-dire s’assurer que la R&D qui a bénéficié aux entreprises soit effectivement suivie du développement de produits sur le territoire national et non pas utilisée pour des productions à l’étranger. »

lundi 27 février 2012

The Artist : les leçons des Oscars


Un contre exemple en matière de politique
de soutien à l'industrie ?
Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont été prompts à se saisir des cinq Oscars reçus par le film The Artist, profitant de l'occasion pour valoriser la politique française de soutien à l’industrie cinématographique, illustrée notamment par la Commission d’avance sur recettes.

Ironie de l’histoire, le film de Michel Hazanavicius, ne doit rien aux dispositifs de soutien à l’industrie cinématographique. Il n’a bénéficié d’aucune aide et, en particulier, pas de celle de la Commission d’avance sur recettes. Pire, à l’occasion de ce film, Thomas Langman, le producteur, s’est même laissé aller à critiquer vigoureusement cette commission présentée comme un « comité de copinage ».

On ne peut lui donner entièrement tort. Il faut bien constater que la Commission a en effet permis de produire beaucoup plus de navets que de caviar.

Si The Artist est un fabuleux succès outre Atlantique, il le doit pour  beaucoup  au producteur américain Harvey Weinstein. Il le doit surtout au fait que tout le monde, des acteurs au producteur en passant par le scénariste, semble s’être donné le mot pour réaliser un film de qualité. Un film qui plait. Un bon produit. Et qui, astucieusement, a été conçu pour s’exporter : il est muet, donc immédiatement de portée internationale.

Alors, The Artist, pur produit de l’initiative privée, discrédite-t-il définitivement toute politique de soutien à l’industrie cinématographique ? Malgré les ratés de cette politique ce serait aller un peu vite en besogne car, malgré tous ses défauts, cette politique a au moins un mérite : elle a permis à l’industrie française du cinéma d’exister encore et, ce faisant, de conserver en France un savoir-faire qui s’incarne dans autant de personnes exerçant la vaste palette de métiers indispensables à la réalisation d’un film. Mais on attend toujours d’elle la production de succès planétaire...

Bref, les Oscars de The Artist sont l’occasion de tirer une bonne leçon en matière de politique industrielle : si elle veut être vraiment efficace elle ne doit pas se contenter de soutenir les canards boiteux. Autrement dit, elle n’est pas une alternative à la conception et la production de produits de qualité.

Gains de productivité: attention, chiffres trompeurs!

Gain de productivité n'est pas toujours
 synonyme d'industrie performante
Il y a le « bon »  cholestérol qui protège nos artères. Et le « mauvais » qui rend malade et impose de douloureux régimes. Et bien, le croirez-vous, il en va de même pour la productivité industrielle. C’est l’une des leçons du très intéressant rapport « Why Does Manufacturing Matter? Which Manufacturing Matters? »  de la Brookings Institution, un think tank américain.

On y découvre en effet dans qu’il y a de « bons » gains de productivité, qui témoignent de la vitalité de l’industrie et sont le résultat de l’amélioration de l’outil de production, par l’automatisation notamment. Et des « mauvais », résultats direct de la délocalisation.

Le rapport l’illustre de façon imagée :
« Quand on pense à un gain de productivité de 10%, on imagine généralement que l’ouvrier Joe Machinist a trouvé le moyen de produire 110 pièces à l’heure alors il n’en faisait auparavant que 100. En réalité, depuis une dizaine d’années, ce qui se passe est que le patron de Joe a délocalisé une partie de sa production en Chine et… a licencié Joe. Le patron, lui, a bien réussi à augmenter sa productivité de 10% : il produit désormais 100 pièces à l’heure, mais avec 10 ouvriers seulement au lieu de 11. Cela ne correspond donc pas à une augmentation de productivité locale, mais est entièrement le fait de  l’augmentation des importations. »
Bref, dit le rapport les gains de productivité de 5,4% par an affichés entre 1997 et 2007 par l’industrie américaine doivent être revus à la baisse. Cet effet, selon les auteurs, compterait pour 20 à 50% des gains réalisés par l’industrie américaine. En l’excluant, les gains réels de productivité ne seraient au mieux que de 4,8% l'an.

Ce n’est pas tout. Ce constat peut être appliqué à tous les pays mais, concernant spécifiquement l’industrie américaine, le rapport relève également qu’il y a quelque chose de pourri au royaume des statistiques.

D’abord, il note que les 5,4% de croissance annuelle ne sont plus que 3,2% si l’on exclut les ordinateurs et l’électronique. Explication : la production de ces produits a cru de 22,7% par an, avec des gains de productivité de 26,8% entre 1997 et 2007. Mais cela ne veut pas dire que le nombre d’unités produites a cru au rythme de 22,7% par an. Ce chiffre reflète essentiellement leur baisse de prix conjuguée  à l’augmentation de leurs performances.

Enfin, souligne la Brookings Institution, les statistiques officielles ne prennent pas en compte l’emploi de travailleurs en interim, ce qui gonfle également les chiffres de gains de productivité.

Au total, les vrais gains de productivité de l’industrie américaine ne seraient que de 2,3% par an, soit près de la moitié des chiffres officiels. Conclusion : si l’on se fie aux conclusions de la Brookings Institution, l’industrie américaine apparaît en bien moins bonne santé que les chiffres officiels ne le laissent supposer.

Y-a-t’il un remède docteur ? Une bonne cure d’automatisation et un régime drastique en matière d’importation de produits chinois devraient vous revigorer...

A lire

Why Does Manufacturing Matter? Which Manufacturing Matters? »  : le rapport de 50 pages ne se contente pas de vanter les mérites de l'industrie. Il étudie aussi quels sont les types d'industrie les plus aptes à être soutenus par une une politique industrielle. Il met également en évidence que les gains de productivité ne sont pas ennemis de l'emploi, au contraire.

vendredi 24 février 2012

Politique industrielle : le conseil d'Hippocrate

D'abord, ne pas être nocif
« Primum non nocere ». D’abord ne pas être nocif.  Les médecins sont censés connaître et mettre en œuvre ce précepte hippocratique. Commencez par ne pas nuire à la santé de votre patient, soignez le après si vous le pouvez, disait en substance Hippocrate.

Gérard Salommez, directeur général France du groupe SEB et président du Gifam (groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils d’équipement ménager) retrouve cette antique sagesse et conseille à ceux qui sont chargés de remédier aux maux de  l’industrie de ne pas l’oublier. Il écrit :
« Le premier élément d’une politique industrielle est de s’assurer que les décisions publiques ne nuisent pas à la compétitivité de l’industrie. Quand on voit notre situation, le déficit du commerce extérieur par exemple, on se rend compte que l’industrie est devenue clé dans un pays comme le nôtre. Il faut donc lui donner la priorité. Lorsqu’une  décision publique est prise, dans quelque domaine que ce soit, il faut se poser la question de savoir si elle renforce ou si elle affaiblit la compétitivité de l’industrie française ».
Sage conseil. Je l'ai trouvé en lisant la récente brochure de la Fieec qui présente le projet de l’industrie électrique, électronique et de communication : 2012-2017 Le temps de l’ambition ( 34 pages).

jeudi 23 février 2012

Comment créer des ETI ? Le « secret » de Joseph Puzo


Joseph Puzo, pdg du groupe Axon' : des ETI ?
Oui, c'est possible !
Ça finit par être agaçant cette lamentation perpétuelle : « Nous n’avons pas en France suffisamment d’ETI, ces entreprises de taille intermédiaire qui font la force du Mittelstand allemand. » Et d’énumérer les raisons pour lesquelles nos PME ne grossissent pas, depuis le manque de fonds propres jusqu’au problème de la transmission d’entreprise. Mais que fait l’Etat ?

Agacement aidant, et pour y voir plus clair, je me suis tourné vers Joseph Puzo. Il a fait de la PME de 100 personnes qu’il a reprise en 1985, un groupe prospère de 1600 personnes qui exporte 70% de son CA. Le groupe Axon'. Une belle ETI. Un beau cas d’école. D’autant qu’il exerce dans une activité pas nécessairement « sexy », la fabrication de câbles électriques et de connecteurs ; qu’il est implanté un peu à l’écart de tout, en Haute-Marne, à Montmirail ; et qu’il réussit à fabriquer une bonne partie de ses produits en France, dans son fief de Montmirail. Last but not least, il consacre 10% de son CA à la R&D, entièrement faite en France.

Joseph Puzo est un entrepreneur d’exception, certes. Mais sa réussite - et celles de quelques autres - prouve que malgré tous les aléas bien réels, à condition de le vouloir, il est loin d’être impossible de bâtir en France une ETI qui tient la route.

Le plus étonnant peut être est que le « secret » de Joseph Puzo pour y parvenir est d’une simplicité déroutante. « Pour croître, il faut mettre au point une innovation technique qui vous permet de monter en gamme » dit-il. Il précise, « cette innovation doit être compatible avec votre marché, et il est nécessaire d’y aller par étapes, et en mettant en place simultanément la commercialisation et l’industrialisation. »

C’est tout ? En gros, oui. Et c’est ce qu’a pratiqué systématiquement le groupe Axon’ depuis sa création. Mais le « truc » est peut être dans ce mot : « systématiquement ».

Bref, pour Joseph Puzo, « la voie la plus rapide pour la réindustrialisation de la France, consiste à aider les PME à monter en gamme techniquement ». Et c'est bien aux PME qu'il pense, de préférence aux start-up  « qui ont tout à créer en terme d'industrialisation et de commercialisation.» Cela implique pour ces PME de faire de la R&D, en s'appuyant notamment sur la recherche universitaire.

 Et on retrouve là un second Joseph Puzo : le responsable de la Commission PME-ETI à la Fédération des industries électriques, électronique et de communication (Fieec).

Dans le cadre de la Fieec, il a créé un Prix de la recherche appliquée, pour rapprocher PME et chercheurs. Aujourd’hui la commission qu'il préside s'apprête à développer un nouveau projet qui consiste à accompagner des PME, depuis la phase de recherche d’innovations  jusqu'à l’industrialisation, en tirant parti de tous les soutiens disponibles.

« Dans un premier temps nous avons dressé un bilan des difficultés qu’ont les PME à aller vers les chercheurs (et vice-versa) puis nous avons fait le bilan des moyens financiers et humains existants permettant de rapprocher les PME et les chercheurs. Nous mènerons un premier test cette année. »

Et le manque de fonds propres alors ? « Pour moi, ce n’est pas un problème. Si votre projet est bien construit, les banques prêtent » dit Joseph Puzo. A condition de bien savoir le vendre. « Il faut bien sûr faire un business plan, mais pour convaincre un banquier il n’est rien de tel que lui démontrer le potentiel de votre produit avant de discuter avec lui des détails du plan » conseille-t-il.

Si vous le rencontrez, demandez-lui qu'il vous raconte comment il a convaincu un banquier à l'aide d'un câble électrique, muni d'une prise à un bout  et d'une ampoule à l'autre, et d'un chalumeau sortis de sa poche...

mercredi 22 février 2012

L’industrie crée peu d’emplois ? Et alors…


En 1983, déjà...
C’est l’argument massue de ceux qui, ne jugent pas utile de soutenir spécifiquement l’industrie : elle ne crée que peu d’emplois. L’industrie disent-ils se développe essentiellement via des gains de productivité et non en embauchant beaucoup de personnel supplémentaires. Donc, se satisfont de nombreux économistes, américains notamment, il est contre productif, en termes d’emploi, d’investir dans l’industrie manufacturière.

Je reviens sur ce sujet car, grâce à Thierry Weil, professeur à l’Ecole des mines de Paris et délégué général de la Fabrique de l’Industrie, j’ai trouvé une réponse percutante : « l’industrie ne crée pas d’emploi, elle crée des richesses. » Richesses qui permettent la création de nombreux emplois dans les services.

Cette formule a valeur de slogan. Mais ce qui fait à mes yeux son réel intérêt tient au fait que Thierry Weil l’a exhumée d’un ouvrage de 1983, écrit par Jean-Louis Levet : Une France sans usines?. La phrase se trouve dans la préface du livre écrite par François Dalle, alors patron de L’Oréal.

1983… Une France sans usines ? de J-L Levet avertit de la menace et des risques de la désindustrialisation ; 2012 : La France sans ses usines , livre de Patrick Artus, la constate. Le consensus actuel sur le nécessaire retour de l’industrie suffira-t-il à inverser le mouvement ?

lundi 20 février 2012

Ce que l’UIMM veut


Rendre à nouveau l'industrie compétitive
La semaine dernière, l’UIMM (union des industries et métiers de la métallurgie) a rendu publiques ses propositions, fruit d’un an de travail, pour favoriser la réindustrialisation de la France. Elle propose ce qu’elle appelle un Pacte social pour une industrie compétitive.

L’UIMM avertit : « Ces propositions doivent être prises dans leur ensemble. En isoler une pour l’analyser hors de son contexte c’est prendre le risque de perdre de vue l’équilibre général de la contribution. » 

Suivant cette instruction à la lettre, nous publions donc tel quel le communiqué présentant les contributions de ses quatre commissions.

Contribution n°1 : Préparer les compétences nécessaires à l’essor de l’industrie

Pour se développer, l’industrie doit trouver,  développer  et préserver les compétences nécessaires et qualifiées. Une nouvelle politique de compétences naîtra d’un effort coordonné entre le système éducatif, les branches professionnelles et les régions. Cet objectif ambitieux devra conduire aux mesures suivantes :

- L’acquisition effective par tous les élèves d’un socle commun des connaissances, compétences et règles de comportement nécessaires à l’entrée dans la vie active devrait devenir la  priorité n°1 de l’enseignement primaire et secondaire.
- Une promotion systématique des entreprises et métiers industriels auprès des prescripteurs de l’orientation des jeunes que sont le corps enseignant, les acteurs du service public de l’emploi (Pôle emploi, missions locales…) et les conseillers orientation des établissements scolaires et universitaires.
- Un développement des liens entre l’école et l’entreprise pour favoriser la découverte par les élèves de l’industrie et de ses métiers.
- Un renforcement de l’attractivité de l’alternance auprès des jeunes et des PME.
- Un redéploiement des moyens de formation professionnelle vers l’alternance, la sécurisation des parcours et les métiers porteurs.

Contribution n°2 : Moderniser le marché du travail

L’évolution des parcours de vie, des parcours professionnels et des rythmes de conjoncture plus courts et plus incertains qu’auparavant nécessite de trouver un meilleur équilibre entre la  sécurisation des mobilités et transitions professionnelles des salariés et  l’assouplissement du cadre juridique  des entreprises dans la gestion de leurs ressources humaines. Cette réforme du marché du travail pourrait comprendre les mesures suivantes :

- L’encouragement aux dispositifs préventifs visant à préserver l’emploi.
- Un encadrement juridique plus adapté de la gestion de l’emploi des entreprises.
- Une mutualisation du reclassement externe pour les PME.
- Des mécanismes de retour rapide à l’emploi  et des droits mutualisés au profit des demandeurs d’emploi.
- Un redéploiement des moyens de formation vers la sécurisation des parcours  et les métiers porteurs.

Contribution n°3 : Améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social
L’ensemble de ces réformes ne peut se faire que dans le cadre d’un dialogue social professionnalisé et  opérant au bon niveau (l’entreprise, la branche et l’interprofessionnel). L’amélioration de la qualité et l’efficacité du dialogue social pourraient comprendre les mesures suivantes :

- Une représentativité et une indépendance financière des partenaires sociaux principalement fondés sur l’adhésion.
- Une primauté donnée à la négociation collective dans la construction des normes sociales.
- Une représentation du personnel plus efficace, plus lisible, mieux adaptée à la réalité de l’entreprise et aux attentes des salariés.
- Un paritarisme rénové, plus transparent et plus opérationnel.

Contribution n°4 : Réviser le financement de la protection sociale


Un choc de compétitivité est nécessaire pour restaurer l’attractivité du « produire en France », tant dans l’industrie que dans les autres secteurs d’activités :

- Adopter un cadre pluriannuel stratégique pour piloter les évolutions du financement de la protection sociale, inévitablement étalées dans le temps, en complément du cadrage pluriannuel des lois de programmation des finances publiques. Une méthode adaptée devrait permettre  de conjuguer des objectifs de moyen et long terme et des objectifs plus immédiats.

- Basculer une partie des cotisations sociales vers d’autres ressources fiscales afin de gagner en compétitivité prix. Une première étape a été engagée avec le projet de loi de finances rectificative déposé par le gouvernement en février 2012, qui prévoit notamment le relèvement de 1,6 % du taux de la TVA normale. Une deuxième étape consisterait à rechercher un « choc de compétitivité », en supprimant ces cotisations familiales  (désormais universelles et étrangères aux champs d’intervention des entreprises) pour l’ensemble des salaires (donc, au delà de 2,1 SMIC). Une compensation partielle pour les salariés pourrait être liée à la suppression de la cotisation salariale maladie résiduelle de 0,75% provoquant une hausse du salaire net. Une ou plusieurs étapes supplémentaires viseraient à retrouver une position concurrentielle satisfaisante vis-à-vis de notre principal partenaire et concurrent, l’Allemagne, en supprimant de manière progressive une nouvelle fois environ 6 points de cotisations, soit près de 35 milliards d’euros.

- Cibler autrement les allégements généraux de cotisations, aujourd’hui centrés sur les « bas salaires ». L’effet de ces allégements sur l’emploi est certain, compensant ainsi le niveau élevé du smic. Mais ils profitent moins aux secteurs exposés à la concurrence internationale qu’à d’autres secteurs, du fait de niveaux moyens de salaires sensiblement plus élevés dans l’industrie.

A l’évidence, la contribution 4 est celle qui posera le plus de problèmes… Mais l’UIMM nous a avertis, dans son plan il faut tout prendre ou tout laisser.

vendredi 17 février 2012

La taxe qui rend les entreprises vertueuses



Voici une taxe destinée à favoriser les investissements en France et qui a en outre pour effet de rendre les entreprises vertueuses. C’est Jean-Michel Quatrepoint, journaliste et essayiste, qui s’inspirant du modèle américain la propose pour la France sur Xerfi Canal.

La vidéo de sa présentation dure exactement 5 minutes et 19 secondes. Si vous préférez la lecture, j'ai résumé les principaux points de son intervention dans le texte ci-dessous.

Jean-Michel Quatrepoint part du constat que les multinationales paient très peu d’impôt sur les sociétés (IS) : 5 milliards d’euros seulement en  2010 pour les entreprises du CAC 40 soit un taux d’imposition égal à…  4,3 % seulement  de leurs bénéfices !

La solution dit -il  « est de créer, comme cela se fait aux Etats-Unis, une Corporate Activity Tax (CAT),  Une taxe forfaitaire sur le chiffre d’affaires réalisé en France.» 

Elle serait destinée aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur, par exemple, à 500 millions d’euros et serait progressive pour atteindre un plafond d’environ 5%.

Astuce : « Cette taxe serait un à valoir sur l’impôt sur les sociétés et encouragerait ainsi les entreprises à déclarer des bénéfices en France. Elle pourrait également être réduite, voire remboursée, si l’entreprise déclare un solde d’investissement positif sur le territoire français  » dit Jean-Michel Quatrepoint.

Résultat : « si vous payez votre juste part d’IS et que vous investissez vous ne paierez pas la CAT. En revanche si vous n’investissez pas et que vous ne payez pas l’IS vous donnerez de toutes façons 5% de votre CA à la collectivité ». 

Le CA 2010 des entreprises du CAC 40 atteignant 350 milliards d’euros, « cet impôt rapporterait, 12,5 milliards d’euros et on pourrait ainsi baisser le taux de l’IS pour les PME. »

Mais le but ultime de la CAT est ailleurs. L’idée est que… tout le monde y échappe et pour cela que les multinationales deviennent vertueuses, c’est à dire paient une vraie taxe sur les bénéfices et investissent en France.

Intéressant, non ?

jeudi 16 février 2012

Chine : les entreprises occidentales ont mangé leur pain blanc


Après le made in China,
le made by China
Hier les pdg de PSA, EADS et Vallourec réunis pour la conférence organisée par La Fabrique de l’industrie nous parlaient ici des bénéfices que retirent leurs entreprises d’une implantation en Chine. Bien. Mais avec la montée des exigences chinoises, tout indique qu’elles ont mangé leur pain blanc.

« La Chine est devenue le premier marché pour nos avions. Mais à la fin de la décennie, elle sera une concurrente directe » affirmait ainsi Louis Gallois. Idem pour les hélicoptères : « Depuis la fin des années 1970, Eurocopter développe des hélicoptères en Chine. Celui que nous développons aujourd’hui avec l’entreprise Avicopter est déjà à moitié chinois. Le prochain le sera intégralement. » 

Louis Gallois ajoute : «  Hier nous ne transférions pas de technologie, mais essentiellement des savoir-faire en production – ordonnancement, qualité, gestion de la supply chain… Désormais nos partenaires chinois lient directement les ventes au transfert de technologie et étendent leur demande au marketing. » 

Les deux autres pdg présents à cette conférence ne disent pas autre chose. « Le marché automobile chinois est aujourd’hui détenu à 70% par des marques étrangères en joint venture 50/50 avec des entreprises chinoises. Le plan quinquennal chinois vise clairement à créer des marques purement chinoises » indique Philippe Varin pdg de PSA Peugeot Citroën.

Et Philippe Crouzet, pdg de Vallourec souligne : « Il va devenir de plus en plus difficile, dans le domaine de l’acier de lutter contre les entreprises à capitaux d’état qui vont systématiquement privilégier les entreprises locales pour leur approvisionnement. »

Bref, les bénéfices que les entreprises occidentales ont trouvés à s’implanter en Chine s’amenuisent. Le nouveau plan quinquennal 2011-2016  a mis fin aux joint ventures 50/50 au profit de JV à majorité chinoises. Et, dans tous les domaines, les chinois ne se contentent plus de l’initiation au management occidental qu’ils trouvaient dans les JV. Ils exigent désormais de réels transferts de technologie pour bâtir une industrie propre.

Que faire dans ces conditions pour n’être pas dévoré tout cru ? Réponse unanime : « il faut conserver un coup d’avance technologique ». Facile à dire… Philippe Varin se fait plus précis : « Pour conserver l’avantage technologique, deux choses sont nécessaires. La première est d’être mondial. La seconde est de conserver des usines en France. Penser que l’on peut faire avancer la technologie sans usines est une vue de l’esprit. »

Philippe Crouzet, indique pour sa part : « Dans nos métiers, les technologies ne sont pas brevetables, il s’agit davantage d’un savoir-faire. C’est ce qui nous protège. Et nous avons été très prudents. En Chine, nous n’avons que des entreprises que nous contrôlons à 100%, ce qui, dans notre secteur, était encore possible il y a quelques années. »

Les entreprises occidentales ont une autre carte à jouer : leur marque. « Les autorités voudraient bien voir les voitures chinoises prendre à terme la majorité du marché. Mais acquérir les technologies est une chose. Convaincre les consommateurs d’acheter chinois en est une autre; les consommateurs chinois privilégient en effet la marque et la qualité » dit Philippe Varin. D’où d’ailleurs sa volonté de s’étendre dans le haut de gamme de façon à renforcer encore l’image du groupe PSA. C’est le sens de l’implantation à Shenzhen de l’usine qui produira la DS 5.

Philippe Crouzet abonde : « En ce qui concerne les tubes d’acier, les produits issus de la fusion de Mannesmann avec Vallourec sont la référence. Ils ont fait la preuve de leur efficacité dans des applications très critiques depuis des lustres. Il sera difficile pour des nouveaux venus de les concurrencer.»

Un autre atout des entreprises occidentales est leur réseau. « Dans le domaine de l’aéronautique il faut 20 à 30 ans pour bâtir un réseau efficace de service après vente » dit Louis Gallois. Mais là encore la pression est forte. Et le constructeur canadien Bombardier qui a déjà signé un accord stratégique avec le chinois Comac, pourrait bien lui offrir certaines opportunités en la matière afin de se développer sur ce marché.

Il est enfin une autre carte que les occidentaux rêvent de pouvoir jouer : celle de l’augmentation des salaires chinois qui à terme pourrait réduire leur avantage concurrentiel. « A Shenzhen, les salaires croissent déjà de 20 à 30% par an » constate Philippe Varin.

mercredi 15 février 2012

Philippe Varin, Louis Gallois et Philippe Crouzet sur la Chine

Sujet de la deuxième conférence organisée lundi dernier par La Fabrique de l’Industrie, le think thank présidé par Louis Gallois : les entreprises françaises et la Chine. Trois patrons se sont exprimés sur leur stratégie, les opportunités de ce marché et les menaces à venir : Philippe Varin, pdg de PSA, Louis Gallois pdg d’EADS et Philippe Crouzet, à la tête de Vallourec. Instructif.

Tous s’accordent à sur un point : la présence en Chine est indispensable à leurs entreprises et profitable pour elles. PSA, qui y a deux usines à Wuhan, va en ouvrir une autre sur ce site et une quatrième à Shenzhen, pour produire des DS5. Elle fabriquera ainsi  quelque 750 000 voitures sur le territoire chinois.
Philippe Varin, pdg PSA.
« Dans 10 ans le marché chinois pour les berlines haut de gamme comme la 508 ou la DS 5, sera 3 fois plus important que le marché européen » dit Philippe Varin. Et pour justifier le profit que la France peut tirer de ces usines chinoises, il ajoute : « Nous, produisons 135 000 Peugeot 508 à Rennes et 65 000 à Wuhan. Cela nous permet d’amortir notre R&D sur un volume plus important et d’accompagner ainsi notre montée en gamme. »

 Idem pour EADS. Le groupe produit en Chine des hélicoptères et des Airbus.

Louis Gallois, pdg EADS
 « Grâce notamment à l’ouverture de notre usine d’assemblage d’Airbus, notre part du marché chinois est  passée en quelques années de 15% à 50%. Nous ne produisons en Chine que la moitié des avions qui y sont vendus, les autres viennent d’Europe, de même que beaucoup de composants » affirme Louis Gallois.
Vallourec, lui aussi est implanté de longue date en Chine.

Philippe Crouzet, pdg Vallourec
« On doit absolument y être car c’est le plus grand marché du monde », dit Philippe Crouzet, qui précise : « les deux tiers de ce que nous vendons en Chine sont produits localement, le tiers restant, des produits haut de gamme ou des petites séries, vient d’Europe, France ou Allemagne ».
Bref, il faut produire en Chine et si l’on en croit ces exemples, l’installation d’usines locales  a des retombées positives sur la production en Europe.

Problème : depuis peu, les choses changent
« Hier les entreprises étrangères étaient les bienvenues, elles apportaient leur mode de management. Désormais, les entreprises chinoises veulent être des entreprises à part entière et ne plus dépendre des étrangers. Cela les amène à être plus exigeantes en termes de transfert de technologie et  nous conduit peu à peu à entrer en concurrence frontale avec des produits issus d’entreprises chinoises » dit Philippe Crouzet
Philippe Varin et Louis Gallois font la même constatation : « les guichets se ferment pour les investisseurs étrangers » – les joint ventures 50/50 on fait place à des JV où la Chine doit être majoritaire – et la pression s’intensifie pour exiger que les occidentaux transfèrent leur technologie. Les patrons de PSA et d’EADS savent que d’ici à quelques années il devront s’affronter à des voitures et des avions conçus et produits par des entreprises locales.

Quelles cartes jouer face à cela ? Rendez-vous demain pour le savoir…

A lire sur ce blog
Bon départ pour La Fabrique 
La Fabrique (suite)

lundi 13 février 2012

US : les « pro-industrie » contre-attaquent !


"Un emploi industriel en génère
quatre ou cinq"
Le récent article de Christina Romer, commenté ici, affirmant qu’ « il n’y a aucune raison objective pour que l’état soutienne l’industrie » suscite des ripostes musclées outre-Atlantique. Christina  Romer est professeur d’économie et ex présidente du Council of Economic Advisor du président Obama

« Madame Romer doit retourner sur les bancs de l’école » s’énerve Scott Paul dans un article publié par le Huffington Post. Scott Paul est responsable de l’Alliance for American Manufacturing.

L’agacement gagne aussi Laura D’Andrea Tyson. Professeur à la Haas School of Business, elle a été elle aussi présidente du Council of Economic Advisor mais pour le président… Clinton. Elle tient à expliquer dans un article  du New York Times « Pourquoi l’industrie manufacturière est aujourd’hui encore primordiale »

Tous deux, et c’est le plus important, apportent leur lot d’arguments pour faire valoir la nécessité du soutien à l’industrie. En voici quelques uns :
 « Romer passe à côté de la caractéristique la plus importante de l’industrie, son effet démultiplicateur sur l’emploi. Un poste industriel en soutient, directement ou indirectement, quatre ou cinq » écrit Scott Paul. Il ajoute « Une localité qui attire une usine automobile attirera également un Wal Mart. L’inverse n’est jamais vrai. »
Et de s’enflammer pour… la réussite allemande :
« Sa politique économique est organisée autour de la production manufacturière. Les US avec un meilleur accès aux ressources naturelles, un immense capital humain et leur formidable capacité à entreprendre devraient dépasser largement l’Allemagne, sur une base per capita, mais il n’en est rien. 
 De son côté Laura D’Andrea Tyson fait valoir trois arguments :
Primo :
« Les produits manufacturés représentent environ 86% des exportations des marchandises et 60% de exportations de biens et de services, tandis que plus d’un quart des emplois américains sont liés à l’exportation. […] La seule façon de réduire le deficit commercial est d’augmenter les exportations de produits manufacturés. » 
 Secundo  :
« Les emplois dans l’industrie sont à productivité élevée, avec de bons salaires et une grande valeur ajoutée. Entre 2005 et 2010 les salaires hebdomadaires moyens dans la production sont de 21% plus élevés que la moyenne (hors agriculture). »
Tertio :
« La production manufacturière est cruciale à cause de son rôle hors de proportion avec sa taille, en matière d’innovation. Bien qu’elle ne représente que 11% du PNB, elle compte pour 68% de la R&D des entreprises qui à son tour représente 70% des dépenses totales de R&D. »  
A lire
Sur ce blog :  «  Le soutien à l’industrie fait débat aux US » 
L’article de Scott Paul : « Professor Romer Needs Manufacturing 101 » 
L’article de Laura D’Andrea Tyson : « Why manufacturing still matters » 

vendredi 10 février 2012

Alain Rousset (suite) : Haro sur l’usine marocaine de Renault !

 Cet après midi, Alain Rousset, le conseiller pour l’industrie de François Hollande n’a pas manqué de réagir à l’inauguration de la nouvelle usine Renault au Maroc. Après le post de ce matin, ce sera donc aujourd’hui une "journée spéciale Alain Rousset" sur ce blog...

Il écrit  :
«  Un tel événement démontre que ce ne sont pas quelques points d’allègement de charges patronales qui permettront de réindustrialiser la France. Si la production automobile a augmenté en Allemagne de 400 000 véhicules dans le temps même où celle de la France reculait de 1,3 million (entre 2004 et 2010), ce n’est pas en raison de la modération salariale mais d’une politique orientée vers la compétitivité hors-prix en élevant son niveau de gamme et en développant ses innovations.»
 Et d’ajouter :
« L’ouverture de cette usine est donc un élément de plus à porter au passif du mandat de Nicolas Sarkozy. Elle démontre son manque de vision et de volonté industrielle.» 
Alors que :
« François Hollande propose la mise œuvre d’une stratégie industrielle par filières afin de mieux spécialiser les produits français, de les faire monter en gamme, et de développer les innovations.» 
Qu'on se le dise !

Lire l’intégralité de l’article d’Alain Rousset

Alain Rousset : « L’état doit redevenir stratège »


Le prochain ministre de l'Industrie ?
J’ai interviewé hier, en exclusivité, Alain Rousset. Pour ceux qui l’ignorent, il est président du Conseil Régional d’Aquitaine. Mais il est également le conseiller de François Hollande pour l’industrie (ainsi que pour l’agriculture et la pêche). Et, surtout, d'aucuns murmurent qu'il pourrait bien  occuper le poste de ministre de l’industrie en cas de victoire du candidat socialiste.

Alain Rousset en a l’étoffe. Depuis 1998, il mène en Aquitaine  une politique soutenue d’aide à la recherche et au développement industriel. La région Aquitaine est ainsi celle qui consacre la plus large part de son budget à la recherche, l’enseignement supérieur et au transfert de technologie : plus de 10 % du budget régional soit plus de 130 millions d’euros en 2011. Cette politique se traduit par de belles réussites en particulier dans le domaine de la santé, des lasers et des matériaux de pointe.

 Franck Barnu. Quel rôle pour l’état en matière de politique industrielle ?
Alain Rousset. Nous vivons sur l’acquis de stratégies qui ont été définies il y trente ans ou plus ! Aujourd’hui, l’état a perdu sa compétence en matière d’intelligence économique. Il doit absolument retrouver cette compétence et ce faisant retrouver son rôle de stratège. Il est indispensable de définir clairement - avec les grands groupes, avec les filières industrielles, avec la recherche…-  quelles sont nos priorités en matière de recherche et d’industrie. Nous ne sommes pas les Etats-Unis. Nous ne pouvons pas  être présent partout. Il faut faire des choix.

Je vois ainsi de nombreux pays, dont les Etats-Unis, miser par exemple sur la recherche en matière de  stockage d’énergie, technologie clé pour le développement des énergies renouvelables. En France, l’état reste coi. Même attentisme sur les drones, au point que j’ai fini par décider de créer une filière d’excellence en Aquitaine. Et quels sont les choix de la France en matière de robotique, de biotechnologies, etc. ?

Les technologies d’aujourd’hui sont les usines de demain. Il faut savoir où nous voulons aller.

FB. Il y a pourtant en France les investissements d’avenir, les pôles de compétitivité, etc.
AR. En effet, mais cela ne constitue pas une stratégie. L’état se contente d’aller « à la pêche ». Il met en concurrence et sélectionne les projets, ceux qui remontent des régions notamment, mais ces choix ne sont pas fondés sur une réelle stratégie.
Cela est d’autant plus vrai que tout le processus est géré par des agences. Ce n’est ni directement l’état, ni les régions d’ailleurs, qui sont responsables de ces choix.

FB. Les régions, justement, quel rôle ont –elles à jouer ?
AR. Je pense qu’en matière d’industrie, il y a deux sujets au moins qui doivent être placés sous la responsabilité des régions.
Le premier est l’aide aux PME. Pour avoir une action efficace en la matière, il est important d’être au plus près de ces entreprises et d’agir dans la durée. C’est sans aucun doute la Région qui est le mieux placée pour le faire et aider les PME à se développer pour  devenir ces ETI [entreprises de taille intermédiaire] qui font le succès de l’Allemagne.
Pour les mêmes raisons, le travail à effectuer pour décloisonner la recherche, l’enseignement et l’industrie doit également être du ressort des régions.
Il va sans dire que pour que les régions mènent à bien ces actions, il faut les responsabiliser et leur donner les moyens de leurs ambitions. En tant que président du conseil régional d’Aquitaine, je regarde toujours avec envie les länders allemands, voire les régions espagnoles, qui en matière de recherche et d’innovation ont une force de frappe incomparable avec la nôtre…

Alain Rousset, mini bio

- 61 ans le 16 février prochain
- Il  conduit actuellement son troisième mandat en tant que président du Conseil régional d’Aquitaine, le premier datant de 1998.
- Il est également président de l’Association des Régions de France, depuis 2004 et, depuis 1989, président de la Cité scientifique et technologique de Pessac Bordeaux-Unitec qu’il a co-créée en 1989.

On peut le suivre sur son blog : alainrousset.net 

jeudi 9 février 2012

mercredi 8 février 2012

Le soutien à l’industrie fait débat… aux US

Aux Etats-Unis, l’engagement de Barack Obama à développer l’industrie et l’emploi industriel sur le sol américain ne fait pas l’unanimité. Moins qu’en France en tout cas. C’est ce qu’on découvre en furetant sur les blogs et en lisant la presse.

Par exemple, sur l’un des blogs du Wall Street Journal, Christina Romer, enseignante en économie à la faculté de Berkeley, signe un article qui dit en substance que le secteur industriel n’a besoin d’aucun traitement de faveur.

 « En tant qu’historienne de l’économie je reconnais ce que l’industrie a apporté aux Etats-Unis […] mais les politiques publiques doivent aller au-delà du sentiment et de l’histoire » dit-elle et « la nécessité d’une politique pour l’industrie reste à démontrer, ce qui n’est pas le cas pour d’autres politiques économiques ».

 Christina Romer est pourtant démocrate et a fait partie des conseillers d’Obama. Mais elle a démissionné de ce poste. Ceci explique cela, ou l’inverse.

Davantage de production, mais guère plus d'emplois...
 Autre blog du WSJ, autre doute exprimé à propos de la politique pro industrie d’Obama : c’est cette fois le credo de la création d’emploi qui est mis à mal. L’argument tient au fait que « la seule façon dont les industries américaines peuvent s’imposer mondialement est en réduisant le nombre de travailleurs» et que «  l’augmentation de la production est liée à celle de productivité et non celle de l’emploi »

L’article indique en outre que selon les statistiques du département américain du travail portant sur le dernier trimestre 2011, la production industrielle a bondi de 15% depuis son plus bas lors de la récession en 2009. Mais cette croissance est due pour la majeure partie aux  gains de productivité (+10%) tandis que l’augmentation de la durée du travail explique le reste. Dans le même temps, l’emploi est resté quasi stable.

Bref, il ne faut pas rêver : l’emploi industriel n’a fait que baisser aux US, il ne représente plus que 8,9% des salariés contre 21,6% en 1979 et il n’est pas près de repartir. S’il  faut chercher une source de création d’emplois ce n’est donc pas vers l’industrie qu’il faut se tourner.

Enfin, dans le Financial Times du 7 février, Jagdish Bhagwati, professeur de droit et d’économie à l’Université de Columbia s’en prend énergiquement à la politique de Barack Obama. Il souligne en particulier que l’industrie n’est pas plus  productive que les services (c’est la distribution qui est le secteur qui a fait le plus de gains de productivité)  et que l’industrie est par ailleurs déjà beaucoup soutenue par l’état.

Ce grand défenseur des services note enfin que l’erreur d’Obama remonte à … Adam Smith qui, dans La Richesse des nations, s’est pour une fois fourvoyé lorsqu’il a considéré comme improductifs les métiers tels que « prêtre, avocat, médecins, hommes de lettres, acteurs, bouffons, musiciens etc. »

Bref la politique d’Obama pour l’industrie fait débat. Et, pour tout dire, c’est plutôt rassurant. Les consensus font toujours un peu peur…

mardi 7 février 2012

Les « malgré nous » de la délocalisation


Direction : le  Maghreb.
Délocalisé à son corps défendant. Cela existe. J’ai visité ces derniers mois pas moins de cinq PMI de mécanique. Toutes sous-traitantes de l’industrie aéronautique. Toutes très pointues techniquement. Toutes comptent moins de 100 personnes et trois d'entre elles moins de 30. Elles fournissent des équipementiers comme Thalès, Zodiac Aerospace et autres Safran.

 Deux d’entre elles m’ont dit que  des donneurs d’ordres exerçaient  une forte pression pour qu’elles délocalisent une partie de leur production au Maghreb, en Tunisie ou au Maroc.

L’une d’elles, à qui on enjoignait de s’installer au Maghreb l’a fait, à contre cœur, et y produit désormais des pièces peu techniques. Elle se console en disant : « Cela nous à ouvert des marchés que, sinon, nous n’aurions pu avoir. »  Elle rapatrie en effet une partie de sa production en France, mais fournit également un donneur d’ordre qui, lui, est implanté sur place et c'est dans ce cadre qu'elle a décroché ce marché.

L’autre PMI qu’on souhaiterait voir installer une partie de sa production de l’autre côté de la Méditerranée, fait de la résistance au nom de la qualité et de la distraction que la gestion d’un tel site lui imposerait. Elle pense que, tout bien pesé, elle ne gagnerait strictement rien à délocaliser, bien au contraire. Pourra-t-elle longtemps s’en dispenser ?

Si deux seulement des entreprises que j’ai vues ont mentionné cette incitation à délocaliser, le phénomène est en fait général car de nombreux équipementiers de l’aéronautique, comme Safran, Ratier Figeac, Zodiac Aerospace... sont déjà installés dans ces pays à bas coût de main d’œuvre.  Et, peu à peu, ces sites maghrébins aspirent de nouveaux venus. Ainsi IN-LHC, société de la branche Aircraft Sytems de Zodiac Aerospace installée à Châteaudun, est elle en train de déménager une partie de son outil de production en Tunisie.

Bien sûr, cette injonction à délocaliser, ne concerne que les pièces les moins évoluées techniquement.  Bien sûr il s’agit de faire baisser les coûts. Mais on peut tout de même se demander si cette logique sera, à terme, profitable pour la performance de ces PMI.

L’argument de la « distraction » que met en avant notre pdg réfractaire me paraît en effet avoir du poids. Gérer à distance de tels sites de production réclame beaucoup de temps et d'attention. Et la caractéristique de ces PMI – celles que j’ai visité tout du moins-  est à la fois d’être hyper performantes techniquement et de disposer de toutes petites équipes dirigées par des pdg, très au fait de la technique, sur qui tout repose. Pour maintenir leur entreprise au top niveau, ils n’ont  pas une seconde à perdre…

Autre constat : leur connaissance intime de la production amène les responsables de ces PMI à accorder une réelle importance à la compétence et au savoir-faire de leurs employés. Ils les savent déterminants pour ce type de production très technique. L’un  d’entre eux, qui a tout fait pendant la crise pour ne pas licencier, se gausse ainsi des financiers qu’il voit investir dans des entreprises de mécanique pointues comme la sienne. « Avec la logique purement financière qui est la leur, ils vont se planter » dit-il en substance.

Ah ! La logique financière…

lundi 6 février 2012

Etats-Unis : Halte à l'invasion des pièces automobiles chinoises !


Pièces autos chinoises  aux US :  croissance
de 900% des importations en 10 ans
Ça chauffe ! La semaine dernière des parlementaires et sénateurs américains, épaulés par des responsables syndicaux, ont demandé à l’administration Obama d’ouvrir une enquête à propos des pratiques commerciales de la Chine dans le domaine des pièces détachées pour l’automobile. 

Le groupe s’appuie sur trois récentes études de l’Economic Policy Institute  (EPI) qui analysent en détail l'industrie chinoise (voir les liens en fin d'article) et mettent toutes en évidence les nombreuses aides (illégales) que le gouvernement chinois accorde à ses producteurs de pièces automobiles.

L’agacement des américains est compréhensible. Les pièces détachées chinoises envahissent en effet les Etats-Unis et sont responsables, selon l’une des études de la perte de quelque 400 000 emplois dans la filière automobile aux US depuis 2000.  

Les importations de pièces auto chinoises aux US ont en effet cru de 900% entre 2000 et 2010 et selon l’Alliance for American Manufacturing (AAM) depuis 2001 ce sont 62 milliards de dollars de pièces chinoises qui ont été importées provoquant un déficit  en croissance de … 850% dans ce secteur  ! Il atteint aujourd’hui 9,1 milliards de dollars.

Parmi les pratiques chinoises illégales qui font dire à un représentant du syndicat de la métallurgie que « la Chine triche », on peut relever :

- Les 27,5 milliards de dollars d’aides dont l’industrie chinoise a bénéficié depuis 2001, avec 10 milliards supplémentaires prévus sur la prochaine décennie pour restructurer cette industrie. « Ce sont ces aides qui sont la cause du prix inférieur de 30% à 50% auquel sont vendues ces pièces, et non les coûts salariaux chinois », relève l’une des études.
- Les exigences chinoises qui imposent aux constructeurs d’automobiles implantées en Chine d’incorporer des pièces chinoises dans leurs véhicules, en violation des règles de l’OMC
- Les droits de douane élevés, l’aide à la prise de contrôle d’entreprises étrangères pour s’approprier leur technologie, des aides directes et indirectes via le soutien à la R&D de l’industrie locale, etc.

L’étude menée par le cabinet d’avocat de Washington Stewart & Stewart, s’inquiète également de la politique chinoise qui, à l’horizon 2030 vise le leadership mondial dans le domaine des véhicules et composants pour les voitures à « énergie nouvelle », autrement dit électriques. Il note que le gouvernement chinois va investir 1500 milliards de dollars dans les cinq années à venir dans sept industries stratégiques, dont l'automobile électrique, pour permettre à ces industries de croître au rythme de 35% par an. Parmi les composants concernés : batteries, moteurs électriques, piles à combustible, systèmes de contrôle commande…

Cela dit, les Chinois ne sont pas les seuls êtres pointés du doigt. Usha C.V. Haley, professeur à Masey University (New Zealand), auteur de l'une des études souligne la part de responsabilité des constructeurs américains. Il écrit : « La croissance de l’industrie chinoise des pièces automobiles est aussi le fait des stratégies des multinationales, en particulier américaines, qui aujourd’hui consiste à produire en Chine et à réexporter vers les Etats-Unis » 

Reste que l’inquiétude que cause cette situation conduit à demander à l’administration américaine de prendre des mesures de rétorsion. «  Il est urgent que des décisions soient prises au niveau fédéral pour mettre fin à ces pratiques commerciales prédatrices avant que des milliers d’autres emplois américains ne disparaissent » écrit ainsi Scott Paul, directeur de l’AAM.

Le moment pour suggérer une telle action est opportun. Lors de son récent discours sur l’état de l’Union, le président Obama a insisté sur sa volonté de faire respecter les règles commerciales. Il pourrait prêter une oreille favorable à cette demande afin de donner une preuve tangible de son engagement.

A lire : les trois études qui mettent le feu aux poudres 

Growing Threats to the U.S. Auto-Parts Industry from Heavily Subsidized Chinese Tires and Parts, de Robert E. Scott and Hilary Wething de l’ Economic Policy Institute (EPI),

Putting the Pedal to the Metal: Subsidies to China’s Auto-Parts Industry from 2001 to 2011, de Usha C.V. Haley pour l’EPI

China’s Support Program for Automobiles and Auto Parts Under the 12th Five Year Plan, de Stewart and Stewart.

vendredi 3 février 2012

Apple, les damnés de la terre et nous


"C'est nous les forçats de l'iPhone" (air connu)
Suite percutante de l’article de l’International Herald Tribune dont il a été question ici à propos de la fabrication des produits Apple en Chine et qui donne beaucoup de grain à moudre (voir plus bas)

 Le journal, cette fois, fait  le point, dans une très longue enquête (que vous pouvez lire intégralement et en anglais)  sur les terribles conditions de travail dans l’usine du sous-traitant Foxconn qui fabrique l'iPad, sur les efforts que l’entreprise américaine dit consentir pour y remédier (notamment un code de conduite adopté en 2005) et sur les doutes que d’aucuns expriment sur sa volonté réelle d’y changer quelque chose.

Je résumerai juste l’article en citant ceci :
 « Soit vous fabriquez dans un environnement confortable et des usines 'worker friendly', soit vous réinventez votre produit chaque année, le rendant plus rapide et moins cher, ce qui impose des usines qui semblent rudes selon les standards américains » dit un responsable d’Apple cité par l’IHT. C’est clair, non ? «  Aujourd’hui les clients sont plus intéressés par l’iPhone que par les conditions de travail en Chine » conclut-il.
 CQFD ?

Pour en revenir au premier article de l’IHT sur la délocalisation d'Apple, il n'a pas intéressé que ce blog. Il a  fait aussi l’objet d’un long papier dans The Economist et d’un autre dans Forbes.

Dans l'article de Forbes, l'auteur, Baizhu Chen, professeur à l’ USC Marshall School of Business dit en substance :
 «  Les dix principaux actionnaires d’Apple sont des fonds de pension. […] De fait, qui décide de la délocalisation en Chine de la production des Apple, Dell et autres Nike ? C’est nous, américains moyens qui exigeons de très hauts rendements de ces investissements.»   
CQFD

jeudi 2 février 2012

Think Tank pour l'industrie : Rhône Alpes joue sa carte


Bruno Lacroix. "Faire avancer la cause
de l'industrie en Rhône Alpes"
Abondance de biens ne nuit pas. Après La Fabrique de l’Industrie qui organisait sa première manifestation la semaine dernière, un autre Think Tank dédié à l’industrie, mais à vocation  régionale cette fois, fait ses premiers pas : l’Institut Confluences. 

« Notre ambition est de faire avancer la cause de l’industrie dans la région Rhône Alpes afin de relancer la compétitivité des entreprises et des territoires» dit Bruno Lacroix. Il est président du jeune Institut lancé en octobre dernier et président du Ceser, le comité économique, social et environnemental régional.

Cette structure associative est financée pour moitié par des fonds publics (région et collectivités territoriales), pour moitié par des fonds privés (chambre de commerce, grandes branches industrielles et, à terme, entreprises). « Pour notre première année, nous visons un budget de 250 k€ puis de 400 k€ en fonctionnement normal, à partir de 2013 » indique Bruno Lacroix. Il déplore en passant que « l’UIMM nationale [qui participe au financement de La Fabrique de l'Industrie] n’ait pas jugé utile de nous apporter le financement de 50 k€ qu’on attendait d’elle » Bing ! une pierre dans le jardin de l'Union des industries et des métiers de la maétallurgie.

Mêmes causes, mêmes effets. Comme La Fabrique, l’Institut rhônalpin, constate « le désintérêt des jeunes pour l’industrie, le déficit d’analyse et de réflexion sur la question industrielle et l’absence d’une fluidité suffisante entre sciences industrie et société ».Pour y remédier cette « manufacture d’idées » entend jouer un rôle de catalyseur au niveau régional et organiser une série de manifestations dans la région.

L'une des premières sera la Conférence Européenne  sur l’amélioration des relations donneurs d’ordres/ sous traitants dont il était question hier sur ce blog et qui se tiendra à Lyon, le 8 février. En mars, ce sera un cycle de conférences sur l’industrie destiné aux étudiants en master organisé avec l’Université de Lyon 2.

Jean-Yves Le Cam, pdg des Teintureries de La Turdine et cheville ouvrière de l’Institut, souligne la vocation « très applicative » de l'association, probablement ce qui la distingue le plus de La Fabrique, et pense que si elle a vocation à « fédérer les initiatives, les expériences, les savoirs, les compétences territoriales  » , elle doit également « acquérir une visibilité internationale ». 

mercredi 1 février 2012

Relations donneurs d’ordres /sous-traitants : "pas soutenables à long terme"



Julien Pelletier. Anact
«  Si la sous-traitance apparaît comme un outil performant sur le court terme, la soutenabilité à long terme du système de relations donneurs d’ordres /sous-traitants est incertaine et soulève des questions quant au développement des capacités d’innovation et d’adaptation des entreprises » affirme Julien Pelletier, responsable prospective de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail).

C’est l’une des leçons de la vaste étude qu’il a coordonnée pour la Commission Européenne et présentée ce matin à Lyon.  Elle a duré un an et s’est intéressée aux relations donneurs d’ordres (DO) sous traitants (ST) dans cinq pays européens : France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Hongrie. En est issu un rapport présentant « Dix propositions pour améliorer la relation entre donneurs d’ordres et sous-traitants dans l’industrie ».

 Le rapport sera rendu public (et mis en ligne sur ce blog), le 8 février, au cours de la Conférence Européenne sur l’amélioration des relations donneurs d’ordres/ sous-traitants qui se tiendra à Lyon. La conférence est organisée par l’Anact, le Ceser (conseil économique social et environnemental de la région Rhône Alpes) et l’Institut Confluences, jeune think tank rhônalpin voué au développement de l’industrie et sur lequel nous reviendrons dès demain.

Cet intérêt pour les relations DO-ST doit tout au fait que le recours à la sous-traitance a explosé ces 20 dernières années et que son organisation s’est profondément modifiée. On est passé, on le sait,  d’une structure en réseau organisée autour du DO, à une structure en cascade avec des ST de rang 1 jusqu’au rang n, structure où s'illustre particulièrement l'industrie automobile.

« Les outils gestion, informatiques en particulier, ont permis coordonner le fonctionnement de processus devenus extrêmement fragmentés »,  dit Julien Pelletier, mais la coordination sociale et juridique des entreprises sur toute la chaîne de valeur n’a pas suivi. Résultat, « les conditions de travail, se sont dégradées tout au long de la chaîne de valeur », et cela amène douter de la pérennité du modèle tel qu’il fonctionne aujourd’hui et de sa capacité à répondre aux besoins d'innovation.

C’est donc bien à un effort important de la part des DO pour mieux prendre en compte l’ensemble de leurs sous-traitants qu’appelle ce rapport.   « Il ne s’agit pas de contraindre les entreprises, ni de développer un arsenal juridique qui est déjà bien étoffé, mais de leur faire prendre conscience de l’enjeu et de les amener à dialoguer et à s’entendre entre elles ; il y va de l’intérêt de tous » souligne Julien Pelletier.

Il conclut : « Avec cette étude, nous avons établi un camp de base… Reste à s’attaquer à l’ascension de l’Everest. »  Ici, les responsables des achats des grands donneurs d'ordres auront une place privilégiée dans la cordée : « doter la fonction achat d’une responsabilité au niveau de la grappe industrielle ou de l’ensemble de la chaîne de valeur » est en effet l’une des propositions phare du rapport.