mardi 24 janvier 2012

Réindustrialisation de droite, réindustrialisation de gauche

Patrick Artus, Natixis
 « Pratiquement tous les pays de l’OCDE veulent se réindustrialiser ou veulent conserver une industrie de grande taille » écrivait Patrick Artus, directeur de la Recherche et des Études de Natixis, dans la lettre Flash de Natixis en juillet dernier.

Entre nous soit dit, cette volonté commune risque de ne pas simplifier la tâche. Je veux dire : il aura été beaucoup plus facile à l’Allemagne de jouer avec succès  la carte de l’industrie quand elle était à peu près seule à le faire en Europe, qu’il ne le sera aux nouveaux prétendants. Ils risquent de se bousculer au portillon…

Cela dit, Patrick Artus ajoutait : 
« Il nous semble que le «vrai débat droite gauche» va porter sur la nature des politiques de réindustrialisation : à droite, des politiques économiques visant à mettre en place un environnement favorable (ou supposé tel) à la réindustrialisation : fiscalité, règles du marché du travail, poids de l’Etat et de l’emploi public, taux de change ; à gauche, des politiques interventionnistes étatiques : financement d’infrastructures, de projets industriels, soutien des entreprises innovantes… »
 C’est en effet classique. Mais on peut mettre un bémol à cette analyse très tranchée. D’abord, la France de droite n’a jamais hésité à mener une politique interventionniste, même si, depuis De Gaulle, elle ne l’a jamais poussée à son terme ultime (autrement dit, il y a beau temps que l’état n’a pas défini de « politique industrielle », ce que beaucoup, de droite comme de gauche, réclament).

Ensuite, il est frappant de constater que la très conservatrice Angleterre de Cameron n’hésite pas elle aussi à jouer l’interventionnisme. Au micro de France Culture jeudi dernier, Jean-Claude Sergeant (professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle Paris 3), rappelait qu’en novembre 2011 lors de l’Autumn Statement (préparation du budget de mars prochain) avaient été prévues par le Chancelier de l’échiquier différentes mesures pour un rééquilibrage de l’économie en faveur de l’industrie manufacturière :  un fonds de 30 milliards de livres pour des projets d’infrastructures (notamment une ligne de train à haute vitesse entre Londres et Birmingham) et l’injection de quelque 20 milliards de liquidités auprès des banques avec mission pour elles de les transférer auprès des PME. Ce n’est pas du libéralisme pur jus me semble-t-il…

L’urgence de la situation de compétitivité joue peut-être un rôle d’édulcorant des idéologies. J’en veux pour preuve que, sur certains diagnostics quant aux moyens de restaurer la compétitivité de la France, on arrive à voir une mesure telle que la baisse du coût du travail être soutenue à la fois par le Medef et… par François Chérèque, le responsable de la CFDT précisant évidemment que « baisse du coût du travail » ne signifie pas « baisse de salaire », mais transfert des charges sociales vers d’autres instruments, comme la CSG (mais pas la TVA sociale).

Assistons-nous aux prémisses d’une « politique de réindustrialisation du centre » ? Il faudrait demander à François Bayrou ce qu’il en pense…

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