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La machine du français Beam. Pas pour bricoler
dans son garage... |
C’était plutôt désespérant. A la fin de l’année 2013, l’américain
3D Systems rachetait le fabricant français de machine de fabrication additive de pièces en métal, Phenix Systems. Un sale coup. Il ne restait plus qu’un seul français dans la course de l’impression 3D industrielle, le tout petit Prodways, spécialisé lui dans la production de pièces en plastique.
Deux ans plus tard, tout a changé et pour le mieux.
Il y désormais pas moins de trois fabricants français de machines pour les pièces en métal et un pour le plastique. Une véritable résurrection ! Elle est la bienvenue car le marché est désormais fortement tiré par l’industrie aéronautique qui s’est entichée des imprimantes 3D pour la production de pièces en métal. Il était temps…
Qui sont ces fabricants français ?
Il y a toujours
Prodways, passée en 2013 dans le giron du groupe Gorgé. L’entreprise croît à une vitesse phénoménale et s’est déjà implantée aux Etats-Unis. «
Nous n’avions qu’un employé lors du rachat de Prodways, nous sommes aujourd’hui près de 200 », dit le Pdg du groupe, Raphaël Gorgé. Outre ses imprimantes pour le plastique, Prodways s’est équipée d’une dizaine de machines du commerce pour produire des pièces en métal pour l’aéronautique et le spatial. Surtout, elle
vient d’annoncer qu’elle allait sortir sa propre machine pour le métal en 2016. Pour ce faire, Prodways est alliée à une entreprise chinoise qui produit les moteurs de ses machines.
Il y a ensuite
Beam, spin off du Critt Irepa Laser qui a exploité une technologie développée de longue date au sein de cet institut. Beam, créée début 2013, utilise le procédé de Construction Laser Additive Directe (CLAD) qui consiste à injecter des poudres métalliques par une buse et les fondre par laser. Il s’est allié à Fives pour la construction des machines.
Grand atout de sa technologie, elle permet non seulement de fabriquer des pièces nouvelles mais également d’en réparer. Et c’est ce créneau de la réparation dans le domaine aéronautique sur lequel elle s’est positionnée pour démarrer. Safran lui a déjà acheté une machine.
Le dernier venu est le plus étonnant : il s’agit de…
Michelin ! Il a annoncé en septembre dernier une
filiale commune 50-50 avec l’inévitable Fives, Fives Michelin Additive Solutions, pour proposer des machines 3D pour des pièces métalliques et toute une gamme de services. Que vient faire le fabricant de pneus en caoutchouc dans cette galère ? Il travaille depuis quelque sept ans sur ce sujet. Son but : réaliser les milliers de petites
lamelles en acier utilisés dans les moules de production des pneus pour dessiner les sculptures. Grâce à l’impression 3D Michelin peut réaliser des pièces de formes originales, complexes et impossibles à produire autrement. Il entend valoriser son savoir-faire de production – il a déjà produit des centaines de milliers de telles lamelles – dans une gamme de machine qui est en cours de réalisation.
Voilà donc de bonnes nouvelles, d’autant qu’elles s’accompagnent de nombreuses initiatives qui, au-delà des seules machines, démontrent que c’est tout un
écosystème industriel qui se met en place en France autour de la fabrication additive.
Ainsi, Prodways a connu une frénésie d’acquisitions en 2015. Elle a racheté
Initial, société de service dans la fabrication additive puis
Norge Systems, start-up anglaise dont les fondateurs ont développé une gamme de machines de fabrication additive utilisant le frittage laser de poudres plastiques et enfin
Exceltec, société spécialisée dans le développement et la distribution de matières polymères pour l’impression. Elle vient également de s’allier avec le groupe
Nexteam, un spécialiste de de l’usinage de pièces complexes et des métaux durs pour l’aéronautique et le spatial. Explication : les pièces conçues par impression 3D nécessitent le plus souvent des opérations d’usinage classique en aval.
Côté alliances, on retiendra également la création en décembre dernier, d’une
entreprise commune entre Poly-Shape, spécialiste de la production par fabrication additive, et l’équipementier Lisi. Cette joint venture, Lisi Aerospace Additive Manufacturing est détenue à 60% par Lisi et 40% par Poly-Shape. Elle est vouée à la réalisation de pièces mécaniques aéronautiques et spatiales.
« Notre objectif est de porter ce procédé à une échelle industrielle compatible avec les exigences techniques et économiques des grands donneurs d’ordres » dit Lisi. Quant à Stéphane Abed, patron et fondateur de Poly-Shape, il explique que la demande de l’industrie aéronautique est aujourd’hui telle que son entreprise n’est plus en mesure de la satisfaire à elle seule.
Cette embellie durera-t-elle ? On peut s’interroger sur la réaction des puissants fabricants de machines d’usinage. Ils sont déjà
une quinzaine à offrir des machines dites hybrides qui mêlent de l’usinage traditionnel, comme le fraisage, à l’impression 3D et pourraient s’avérer menaçants pour ces nouveaux venus (lire à ce propos
l’excellent et exhaustif article de Mirel Scherer sur le blog
Fabrication Mécanique).