jeudi 19 septembre 2013

Quand les « plans de bataille » ne servent à rien

Comment faire un plan quand on ne
sait où se déroulera la bataille ?
Avec les 34 « plans de bataille » lancés par le gouvernement se repose une fois de plus la question du bien-fondé d’une « politique industrielle » volontariste. On retrouve toujours les mêmes arguments d’un côté et de l’autre. Les aficionados de « l’état stratège » militent pour de grandes actions et se réclament de Colbert ; les adeptes d’une approche libérale affirment qu’il suffit de créer un environnement propice aux entreprises car elles sont les mieux placées pour inventer le futur.

Mettons tout le monde d’accord avec un argument de bon sens. Les plans, les stratégies de bataille c’est bien quand on sait où l’on va ; quand on sait où se trouve le champ de bataille et quelles sont les forces en présence. Cela n’est d’aucune utilité quand on ignore tout du lieu où se déroulera le combat et même la nature des troupes qui y sont engagées

Autrement dit, quand il s’agit de « rattraper un retard » rien de mieux qu’un bon plan. On n’est pas présent dans le nucléaire, dans l’aéronautique, le spatial ou les télécoms et on souhaite devenir un acteur un majeur ? Facile ! On sait où on va. La route est tracée. Un plan fera l’affaire pour atteindre le niveau de ceux qui y sont bien établis, voire les dépasser.

 C’est ce qu’ont réussi avec brio les grands plans français des années 60 et 70 (et Colbert à son époque, notamment pour rattraper le retard sur les italiens dans le verre avec la création de Saint-Gobain). C’est ce qu’a fait le Japon. C’est ce que pratique la Chine avec ses redoutables et efficaces plans quinquennaux.

Mais comment planifier ce qu’on ignore et qui n’a pas de modèle ? C’est-à-dire l’innovation. L’inattendu. L’inimaginable. Le développement d’Internet par exemple qui, dans la fameuse étude française de 1995 sur les technologies clés pour l’avenir n’était même pas mentionné.

 En la matière, les Etats-Unis n’ont rien « planifié ». Et pour cause. Tout était à inventer. Ils se sont contentés de créer les conditions de son essor et celui des entreprises en leur laissant le champ libre. Et en favorisant notamment le développement de l’e-commerce par l’absence totale de taxes.

Evidemment, tout n’est pas si tranché. A côté de gros échecs comme la TVHD, les grands plans européens ont connu au moins une très belle réussite avec le succès du GSM en Europe, beau contre-exemple à cette théorie. Mais l’opération a fait long feu. Désormais Nokia n’est plus. Désormais l’Europe est bien en retard sur les Etats-Unis en matière de 4G.

 En retard ? Nom d’une pipe ! Il est grand temps de concocter un plan pour le rattraper !

lundi 16 septembre 2013

Big data, big mistakes ?

Big data : Claude Bernard
 a son mot à dire 
L’un des grands atouts des big data, le traitement de données à  (très) grande échelle,est de  mettre en évidence des corrélations tout à fait nouvelles et inattendues en rapprochant simplement des données. C’est l’un des grands résultats attendu du travail des « data scientists » et il soulève un grand enthousiasme. Trop grand, parfois…

Le type de découverte permis par cette technique ne s’accompagne d’aucune explication. On constate une corrélation forte entre deux faits mais on ignore tout du    «pourquoi » et de l’éventuelle causalité sous-jacente. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas fondamentalement nouveau : les études statistiques nous ont habitués à mettre en évidence de telles corrélations sans plus d'explications. Ce qui change, c’est la facilité avec laquelle de telles « découvertes » peuvent être faites.

Bien compris cet usage des Big data peut donner de formidables résultats pratiques.

Mais c’est aussi un outil qui doit être manié avec une grande précaution car il prête aux interprétations les plus fantaisistes et les plus erronées. Big data, big mistakes ! Il n’est qu’à regarder comment sont interprétées à tort et à travers de nombreux résultats statistiques. Avec le déluge de « découvertes » qu’on nous promet on peut, à côté du meilleur, redouter le pire.

Le danger est bien réel. Déjà, le fameux Chris Anderson (auteur de La Longue Traîne) a défrayé il y a quelque temps la chronique en écrivant dans le magazine Wired, que les big data  signaient la mort de la théorie. Rien que ça ! Plus besoin de réfléchir puisque grâce aux big data, on va tout découvrir ! Devant le tollé soulevé par son inconséquence, il est un peu revenu sur ses propos.

En réalité, plutôt que de s’affranchir de la théorie, les découvertes promises par les big data en supposent plus. Bien plus ! Elles sont certes heuristiques mais ce qu’elles découvrent doit être compris et expliqué pour en tirer tout le bénéfice. Bref, il n’y a pas de miracle à attendre.

En l’occurrence, ce que Claude Bernard écrivait en 1866 à propos des big data de son époque – les statistiques-  dans sa fameuse « Introduction à la médecine expérimentale »  n’a pas pris une ride. Il insistait sur le fait qu’elles devaient précéder la recherche scientifique –c’est-à-dire la médecine expérimentale- et n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes.

Claude Bernard illustrait son point de vue avec un superbe exemple. Il écrit :
« Autrefois on ne connaissait la gale et son traitement que de manière empirique. On pouvait alors […] établir des statistiques sur la valeur de telle ou telle pommade pour obtenir la guérison de la maladie. Aujourd’hui que la cause de la gale est connue et déterminée expérimentalement, tout est devenu scientifique. On connaît l’acare [parasite responsable de la maladie] et on explique par lui la contagion de la gale, les altérations de la peau et la guérison […]. Aujourd’hui, il n’y a plus […] de statistiques à établir sur son traitement. On guérit toujours et sans exception quand on se place dans les conditions expérimentales connues pour atteindre ce but. » 
Autant pour Chris Anderson…

A propos de big data, et c’est ce qui m’a donné l’idée de ce post, je viens de lire un bon ouvrage d’introduction au désormais fameux phénomène.  Ecrit par Viktor Mayer-Schonberger (professeur à Oxford) et Kenneth Cukier  (journaliste au magazine The Economist) le livre « Big Data: A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think » permet de se faire une bonne idée des enjeux liés à la capacité de traiter des quantités phénoménales de données désormais facilement accessibles. A lire si l’on est anglophone.

jeudi 12 septembre 2013

34 "plans de bataille" pour une "nouvelle France industrielle"

On ne sait pas encore comment on y va, mais on y va et on sait désormais quels sont les 34 secteurs ou technologies industriels que compte soutenir activement le gouvernement français. Ils ont été présenté ce matin à l’Elysée par le président de la république qui, en présentant ce plan pour « la nouvelle France industrielle » a tenu à affirmer : "Il ne s'agit pas de revenir aux grands plans des années 60 et 70 où l'Etat était à la fois inventeur, prescripteur, producteur et client final. Ce temps là est terminé"

Le travail a été conduit par la Direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) du Ministère du Redressement productif, appuyée par l’expertise internationale du cabinet Mc Kinsey. Il est à ce propos intéressant de comparer ces 34 plans avec les 12 technologies clés censées avoir un impact majeur et récemment présentées dans une étude du même... Mc Kinsey (voir ci-dessous).

Parmi les 34 domaines d’actions choisis, notamment parce que la France y possède une solide position, difficile de voir ce qui manque, à part peut-être le nucléaire qui semble éclipsé par les énergies renouvelables. Quant aux gaz de schistes, évidemment, pour la France ce n’est pas un enjeu…

Un peu curieux aussi d’y trouver rénovation thermique des bâtiments qui, pour important qu’elle est,  n’apparaît pas réellement stratégique. Plus étonnant encore d’y voir figurer les dirigeables pour les charges lourdes, mais là c'est parce que j'ignore tout du sujet...

Sinon presque tout semble y être, y compris l’usine du futur avec ses imprimantes 3D et ses robots et les sujets chauds des technologies d’information comme l’internet des objets, les Big Data ou le cloud. 

La prochaine étape du plan s'occupera de fixer des objectifs précis et de de déterminer comment les  atteindre. «  Dans les prochaines semaines le travail consistera à constituer et à réunir pour chacun de ces  plans les équipes par projet composées d’industriels et de représentants de l’État et du  Conseil national de l’industrie. Chaque plan sera animé par un chef de projet issu, dans la majorité des cas, du monde industriel et  économique » est-il indiqué.

Le chef de projet devra «  préciser les objectifs à atteindre, les freins à  surmonter, les outils à mobiliser, les financements à solliciter (notamment dans le cadre  des investissements d’avenir), les éventuelles expérimentations à conduire, les partenaires à associer et le calendrier à suivre. Allez, roulez jeunesse ! 


LES 34 « PLANS DE BATAILLE »

Energies renouvelables
Voiture pour tous consommant
moins de 2 litres aux 100 km
Bornes électriques de recharge
Autonomie et puissance
des batteries
Véhicules à pilotage automatique
Avion électrique et nouvelle
génération d’aéronefs
Dirigeables - charges lourdes
Logiciels et systèmes embarqués
Satellites à propulsion
électrique
TGV du futur

Navires écologiques
Textiles techniques et intelligents
Industries du bois
Recyclage et matériaux verts
Rénovation thermique
des bâtiments
Réseaux électriques intelligents
Qualité de l’eau et gestion
de la rareté
Chimie verte et biocarburants
Biotechnologies médicales
Hôpital numérique
Dispositifs médicaux et nouveaux
équipements de santé

Produits innovants pour une
alimentation sûre, saine et durable
Big data
Cloud computing
E-education
Souveraineté télécoms
Nanoélectronique
Objets connectés
Réalité augmentée
Services sans contact
Supercalculateurs
Robotique
Cybersécurité
Usine du futur



LES 12 TECHNOLOGIES LES PLUS IMPORTANTES SELON Mc KINSEY

Internet mobile
Automatisation des tâches intellectuelles
Internet des objets
Technologies du « cloud »

Robotique avancée
Véhicules autonomes ou quasi autonomes
Génomique de prochaine génération
Stockage d’énergie

Impression 3D
Matériaux avancés
Exploration et la récupération des ressources fossiles (pétrole et gaz)
Energies renouvelables
Technos classées par impact décroissant depuis Internet jusqu'à énergies renouvelables


A lire