jeudi 30 mai 2013

PME: un appel à projets pour des produits « made in France »

Vous êtes une PME et vous vous proposez de produire en France un produit innovant, intégrant une composante développement durable ? L’appel d’offre lancé hier par la DGCIS est fait pour vous. Il se propose de financer votre projet jusqu’à 50%. C’est bon à prendre. Voici en bref ses caractéristiques

Les projets visés

Sont concernés : les projets collectifs innovants visant à inciter les entreprises, et en particulier les PME, à intégrer des démarches d’innovation, de création, de développement durable, de traçabilité, de valorisation et de promotion des savoir-faire.

Sont éligibles au financement : les projets qui ont reçu un engagement de la part d’entreprises et qui seront portés par une entité fédératrice, telle que organisation ou structure professionnelle ; comité professionnel de développement économique ; un comité professionnel de développement économique ; association loi de 1901 etc.

Quelles entreprises ?

Sont concernées : les entreprises de moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 M€. Ces entreprises doivent être indépendantes, c'est-à-dire ne pas être contrôlées par une autre entreprise à plus de 25%

Le projet peut intégrer des entreprises excédant 250 salariés, sous réserve de rester compatible avec l’objectif d’un ciblage prioritaire du dispositif sur les PME.

Deadline
Le dossier de candidature devra être déposé avant le 30 août 2013 à 17 heures :

En savoir plus
Le détail de l’appel à projet  de la DGCIS

lundi 27 mai 2013

Eric Schmidt (Google) ou le degré zéro de la pensée

Plus libéral que moi, tu meurs...
Eric Schmidt, président du conseil d’administration  de Google, a écrit, ou du moins cosigné avec Jared Cohen, un livre. Titre : The New Digital Age. Sous-titre : Reshaping the future of people, nations and business. On s’attend à des révélations. Quelle déception. Ce qu’on y lit est parfois consternant. Consternant mais aussi extrêmement révélateur. Ce qui explique que j’y consacre malgré tout un article (en général je ne chronique que les livres qui m’ont passionné).

Jared Cohen est certainement l’auteur de l’essentiel du livre mais regardons ce qui semble être la contribution de Schmidt, à savoir le premier chapitre consacré à l’impact d’Internet sur nos vies. Ce chapitre suffit à ruiner le livre.

L’auteur raconte tout ce qu’il est loisible d’imaginer dans le futur comme applications d’une « connectivité généralisée » et considère que puisque c’est possible, c’est souhaitable et que donc ça se produira. Aucun recul. Aucun questionnement. On a ainsi droit à une série de poncifs sur toutes les merveilles que nous réserve l’Internet de demain. Typiquement : la voiture automatique sans conducteur qui vous avertira, compte tenu de la circulation, de votre agenda, du temps qu’il fait, voire de la flexibilité des queues des vaches…, qu’il faut vous grouiller d’avaler votre petit dej’ car, sinon, vous allez être en retard à l’importante réunion qui vous attend.

Ou encore, on découvre qu’Internet va donner la parole à tous, donc développer la démocratie même dans les pires pays totalitaires et aider les économies les plus attardée à décoller...  J’aime aussi beaucoup la sortie sur la médecine avec  le « minuscule implant nasal qui vous informera de la présence de toxines dans l’air et de l’imminence d’un rhume ». C’est vraiment le niveau zéro de la pensée.

Le plus  intéressant  est toutefois ceci : Schmidt applaudit à ce que la connectivité généralisée va rendre possible, à savoir :  la mise en concurrence de tous avec tous. « Des jeunes Uruguayens éduqués pourront ainsi rivaliser pour du travail avec leurs homologues habitant dans le comté d’Orange [Californie] ».

 Et il enfonce le clou : « Les critiques de la mondialisation se plaindront de cette érosion des monopoles locaux, mais on doit la souhaiter car c’est ainsi que nos sociétés iront de l’avant et continueront d’innover. »  Monopole locaux, vous l’aurez compris, ça veut dire travailler là où vous vivez…

Ce faisant Schmidt dévoile ainsi très crument sa pensée : elle n’est pas bien profonde mais hyper libérale. C’est à souligner car du côté de la Californie, ce point de vue n’est pas isolé. La même idéologie, bien que moins nettement affichée, est finalement ce sur quoi repose par exemple un (malgré tout fort intéressant) livre, Makers, de Chris Anderson. Ce livre décrit la vision que l’ex rédacteur en chef de Wired a du futur de l’industrie à l’ère du numérique et des imprimantes 3D. On peut ne pas être ennemi du libéralisme, être un adepte convaincu d’Internet, et trouver que, quand même, ça coince un peu …

Même si la superficialité de ce qu’on n’ose appeler réflexion tant elle est caricaturale, la discrédite en partie, elle ne doit toutefois pas être prise à la légère. On peut en effet déjà constater qu’Internet se prête très bien aux pratiques les plus libérales qui soient. Il semble même parfois avoir été fait pour. La généralisation du travail gratuit – sur les blogs, Youtube, ou chez les adeptes de l’Open Source - en est le stigmate. Combien de gens aujourd’hui produisent gratuitement en espérant par là trouver le moyen de se faire connaître pour (enfin) gagner de l’argent ?

Dans bien des cas, Internet est ainsi déjà le lieu d’un « que le meilleur gagne » général, d’une lutte sans merci pour décrocher un (souvent illusoire) gros lot. Un lieu, qui plus est, souvent parfaitement inégalitaire où les plus favorisés ramassent toute la mise. Songez à la puissance qu’un compte Tweeter  donne aux plus connus à qui leur seule réputation assure des milliers voire des millions de « followers ».  

Bien sûr, tout Internet ne se résume pas à cela, ce qui n’empêche qu’il faut être conscient de cet aspect même s’il paraît difficile de s’en affranchir.

Ah, au fait, à part ça, le reste du livre ? On l’a dit Jared Cohen en a sans aucun doute écrit la plus grande partie. C’est un auteur réputé qui a entre autres fondé Google Ideas et été conseiller de Condoleezza Rice puis d’Hillary Clinton. Les sujets traités sont vastes. Ils concernent l’impact d’Internet sur les Etats, la Révolution, le Terrorisme et les Conflits mondiaux, ce qui n’est déjà pas si mal.... Sans atteindre un Himalaya de la pensée – on est plutôt au niveau du Puy de Dôme -  ce livre apporte un bon nombre d’informations sur ces sujets. Surtout si on n’y connaît pas grand chose.

Faut-il se donner la peine de le lire ? On  peut y jeter un oeil... Il possède en effet un mérite et un seul  : malgré ses errements, il rappelle utilement qu’avec Internet on n’a encore rien vu et que son impact à venir est probablement plus important qu’on ne l’imagine. Surtout, il met clairement en évidence que face à ces enjeux immenses, la balle est dans le camp des politiques.

Cela dit, le think tank de l’Institut Mines-Télécom vient de faire paraître un ouvrage collectif qui traite de ce sujet : « La Métamorphose numérique ». Je n’ai pas achevé sa lecture - il est moins facile que l'opus Schmidt-Cohen - mais, c’est nettement plus relevé et du peu que j’en ai lu, l’ouvrage me paraît autrement enrichissant. Et puis, c’est en français ! On y reviendra.

vendredi 24 mai 2013

Energie : un immense éclat de rire et... une formidable angoisse

Le pétrole coule à flots,
coule à pleins ruisseaux...
Comme dirait l’autre : « Je me marre ! »Voici des lustres que les meilleurs experts du monde prédisent la fin de l’abondance de l’énergie fossile et l’épuisement de ces ressources naturelles accéléré par l’insatiable gourmandise énergétique de la Chine. Tous les malthusiens du monde se sont alliés pour entonner ce refrain.

Et puis, vous le savez, tout a changé. Tout le monde et son frère, ainsi que l’Agence internationale de l’énergie, le constate aujourd’hui : les Etats-Unis devraient devenir le plus important producteur de pétrole dès 2020 et même être auto-suffisants en la matière en 2035. Cela sans même parler des gaz de schistes qui ont déjà fait baisser le prix du gaz de 75% en 5 ans aux Etats-Unis.

Avouez que c’est comique (ou irritant). Personne, semble-t-il, n’avait sérieusement présenté cette éventualité ou, du moins, n’avait pu faire valoir ce point de vue. Ce n’était pourtant pas impossible à envisager puisque le progrès technologique et la montée du prix du pétrole jouent un rôle important dans ce renversement de situation. Il y a en tout de quoi écorner sérieusement la confiance à accorder aux « experts » ( et, une fois de plus, donner tort à Malthus).

Qu’on se réjouisse ou s’attriste (pour cause de CO2) de cette nouvelle donne, elle suscite en revanche de très angoissantes questions. Elles sont très bien soulevées dans un article de l’International Herald Tribune signé par Ian Bremmer et Kenneth Hersch. L’un est président d’Eurasia Group, l’autre CEO de NGP Energy Capital Management.

L'enjeu est d’importance. Que va-t-il se passer au proche Orient maintenant que la nouvelle auto suffisance américaine  milite pour un désengagement des Etats-Unis de la région et que les besoins de la Chine peuvent en revanche la conduire à s’y impliquer plus fortement ?

Les auteurs de l'article posent notamment cinq questions fondamentales que je vous retranscris telles quelles puisque l'anglais a désormais droit de cité dans nos plus nobles institutions :

- How might a lighter U.S. presence and heavier Chinese involvement change the world’s most volatile neighborhood? 
- What can the next generation of Saudi leaders expect for their country’s future in a world where OPEC has lost much of its market power? 
- Will Qatar’s support for Muslim Brotherhood governments in other Arab states and China’s interest in using the United Arab Emirates as an offshore trading center for its currency leave the Saudis dangerously isolated? 
- Can Iran’s revolution survive the need to build a more modern economy?  

Et ils concluent : « Un monde dans lequel les Etats-Unis sont moins intéressés à répondre à ces questions est vraiment un monde nouveau ». Yes, indeed !

Lire l’article 
When America Stops Importing Energy
Lire aussi (ajouté de 19 juin 2013) : La diplomatie chinoise lorgne le Proche Orient



jeudi 16 mai 2013

A lire vite et sans aucune hésitation : " La Démocratie des Crédules"

N’êtes vous pas irrité parfois par les imbécillités  les contre vérités, les franches bêtises que vous pouvez entendre, voir ou lire dans les médias. N’êtes vous pas atterré quelquefois  par l’adhésion de certains des thèses totalement abracadabrantes qui font pourtant florès ? N’êtes vous pas lassé par la profonde défiance à la quelle la science et la technologie sont désormais systématiquement soumises ? Moi je le suis très souvent, à vrai dire presque en permanence.

Dans l’état de perpétuel agacement qui est le mien, la lecture du livre de Gérald Bronner, La Démocratie des Crédules, est arrivée comme un soulagement inespéré. Celui de lire enfin un livre intelligent qui rappelle que tout n’est pas égal par ailleurs ; qu’il y a une réalité, des faits concrets, du savoir, des connaissances et qu’il faut se battre pour que ces vérités conservent ou retrouvent la place qu’elles méritent. C’est bien. On respire. Ouf ! Merci Bronner.

Le livre est d’autant plus intéressant qu’il évite les explications faciles. Il exclut toute idée de « complot médiatique » ; il ne stigmatise pas non plus de supposés  imbéciles qui croient en tout et n’importe quoi. Par contre, et c’est son réel apport, il s’efforce brillamment de mettre à jour les processus « qui permettent au faux et au douteux de s’emparer de l’espace public » et souligne que nous sommes tous impliqués.

Pour le sociologue Gérald Bronner, ces processus sont  « favorisés par le développement de la technologie de l’information [comprendre Internet] mais aussi par le simple fonctionnement de notre esprit et… la nature même de la démocratie. » Une  grande partie du livre est consacrée à en apporter des démonstrations très convaincantes.

Ce livre qui est à classer dans la catégorie « lutte contre l’obscurantisme », a un autre mérite. Il tente, dans sa dernière partie de fournir quelques pistes pour passer « de la démocratie des crédules à celle de la connaissance. » Et là, il lève en passant un sacré lièvre. L’idée la plus répandue est en effet qu’on luttera d’autant mieux contre l’obscurantisme que la population sera plus éduquée. Bronner montre qu’il n’en est rien car ce sont plutôt ceux qui bénéficient d’une relativement bonne éducation qui sont le plus sujet à l’acceptation des thèses les plus douteuses…

Alors, que faire ? Je retiens deux conseils. Le premier s’adresse à mes confrères journalistes. Je résume abruptement : «  Bon sang, mais réfléchissez donc un petit peu avant d’écrire ou de reprendre n’importe quoi ! » Genre, donner sans se poser de question la parole au « fils de Mickael Jackson violé par Nicolas Sarkozy »...  Autrement dit : « journalistes vous avez une autre responsabilité que celle de vendre du papier  (ou des pages vues) »

Le second conseil est à destination de la communauté scientifique.  Là aussi, je résume : « apprenez à communiquer intelligemment, de façon efficace comme le font les activistes qui n’ont pas leur pareil pour faire passer leurs idées et contre lesquels vous ne savez pas faire valoir vos arguments. »

Je retiens enfin ceci : le paradoxe d’Olson. En bref, le fait que lorsque des individus ont tout intérêt à agir en commun, ils ne le font pas, pensant que d’autres dans le groupe s’investiront pour eux. C’est ainsi que se comportent la plupart d’entre nous. C’est précisément ce que ne font pas des minorités très motivées et « c’est ainsi que la connaissance orthodoxe se retrouve mise en minorité sur bien des terrains » écrit Gérald Bronner. Un appel à l’action !